Statue de Sepa

Statue de Sepa, « Grand des dizaines du Sud »

Auteur

Dimensions

H. 165 cm ; L. 40 cm ; P. 55 cm

Provenance

Égypte

Technique

Sculpture, Polychromie

Matériaux

Calcaire, Pigments

Datation

IIIe dynastie (vers 2700-2620 av. J.-C.)

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Statue ou hiéroglyphe en trois dimensions ?

Les statues de Sepa image principale et de son épouse Nesa image b comptent sans doute parmi les premières statues de l'Égypte ancienne à représenter des notables en grandeur nature. En calcaire partiellement peint, elles ont été sculptées vers 2700 av. J.-C., il y a près de cinq mille ans.

 

Rendre éternelle la présence physique des défunts

Dans l'Égypte ancienne, les statues, produites en nombre variable selon les époques et les moyens financiers des commanditaires, permettaient de rendre éternelle la présence physique des défunts.

Installées lors de l'enterrement dans la chapelle de la tombe pour servir de substituts lors des rites funéraires qui y étaient pratiqués et animées magiquement par le rituel d'ouverture de la bouche, elles étaient conçues comme des « images qui captent la vie », selon la traduction littérale. Efficaces, elles pouvaient alors profiter virtuellement des offrandes déposées sur la table de pierre prévue pour cet usage.

Associées aux représentations en deux dimensions (peintures ou bas-reliefs), elles constituaient autant de chances de survie des âmes des défunts dans l'au-delà.

Un homme exemplaire

Sepa est représenté dans la force de l'âge, avec une musculature idéalisée. Il présente un visage fortement semblable à celui de Nesa, son épouse.

Ces sculptures ne sont pas des images réalistes. La statue de Sepa présente avant tout son portrait social, celui d'un homme très influent et riche – il faut l'être pour commander de telles œuvres. Perruques, riches bijoux et vêtements d'apparat le confirment au premier regard : Sepa porte une perruque courte bouclée et un pagne de lin partiellement empesé, Nesa une lourde perruque tripartite, une robe fourreau en lin très fin et de lourds anneaux à ses poignets.

Mais la richesse n'est pas l'essentiel. Rester vivant dans la mémoire de la collectivité par le souvenir d'une vie exemplaire est le meilleur des gages de survie dans l'au-delà. Par ses attributs et son attitude, Sepa est l'image même du notable intégré à la société, tant vivant que mort, agissant conformément à la Maât, le fragile équilibre du monde. Chacun doit participer à la Maât en tenant le rôle qui lui a été attribué sur la terre.

Sepa est donc figuré comme le hiéroglyphe écrivant les mots « notable » ou « magistrat », ser en égyptien. Comme le hiéroglyphe utilisé pour écrire les mots « démarche » et « action », il est représenté debout, la jambe gauche en avant pour évoquer sa capacité d'action. Il tient dans sa main gauche la canne, le hiéroglyphe médou (« parole ») et, plaqué contre son bras droit, le sceptre sekhem (« pouvoir »). Sepa est un magistrat qui peut prendre la parole et agir de plein droit dans la société.

Des sculpteurs ingénieux

Par la suite, ce type de représentation du notable abonde dans l'art égyptien, en deux ou en trois dimensions, puisqu'il s'agit toujours, pour les défunts, d'être présenté comme un être social exemplaire image 1.

Les contraintes matérielles dues à la taille d'une sculpture en ronde bosse ne sont cependant pas les mêmes que pour un dessin ou un relief. Ainsi, le sculpteur a ici rabattu les éléments en trop forte saillie, risquant d'être brisés au moindre choc : le bras tenant la canne est ainsi plaqué contre le torse, et le sceptre sekhem curieusement placé au-dessus de la main laissée à plat. Pour les mêmes raisons, la tête semble enfoncée dans les épaules, la perruque renforçant le cou, les jambes sont épaisses et l'espace entre elles n'a pas été évidé.

Des éléments stylistiques permettant une datation des œuvres

Les spécialistes de l'art égyptien établissent des listes de critères stylistiques destinés à dater les œuvres ne portant pas d'indices écrits, comme un nom de roi, et étudient la manière dont sont écrits les hiéroglyphes (paléographie).

Ainsi, les statues de Sepa et Nesa, achetées dans le commerce en 1837 sans aucune provenance attestée, ont pu être datées de la IIIe dynastie. En effet, leur aspect massif est caractéristique des débuts de la statuaire égyptienne. De même, le trait de fard vert sous les yeux, le rendu de la languette du pagne de Sepa ou encore de la perruque de Nesa sont autant de marqueurs spécifiques de cette période.

Par la suite image 2, les sculpteurs adosseront les figures à une plaque et réduiront cannes, sceptres et autres attributs tenus dans les mains en de petits « boudins », comme les nomment les égyptologues. Mais leur symbolique restera la même. En revanche, n'étant pas soumises aux mêmes impératifs techniques, les statues de bois conserveront canne et sceptre réalistes tenus librement grâce à l'assemblage de plusieurs morceaux.

Un hiéroglyphe en trois dimensions

Dans la quasi-totalité des représentations, la jambe avancée est toujours la gauche image 3. La statue de Sepa permet de comprendre l'origine de cette tradition maintenue pendant des siècles.

Il faut la regarder de profil droit pour lire l'inscription sur le socle donnant les titres et le nom de Sepa image c : « Grand des dizaines du Sud, préposé aux Affaires royales, prêtre du dieu Kherty, bâton du Taureau Blanc. » Les hiéroglyphes se lisent de droite à gauche en trois colonnes verticales et une ligne horizontale. Sur cette dernière, les hiéroglyphes notent S-P-PA, le nom de Sepa. La statue elle-même est en fait le dernier hiéroglyphe de ce nom : on l'appelle le déterminatif. À cette époque, le dessin de l'homme notable n'est jamais tracé après les signes phonétiques : la statue est aussi un hiéroglyphe. Art et écriture se complètent parfaitement, l'ensemble formé par le texte et la statue constituant l'inscription dans son entier.

Si le sens de lecture des inscriptions sur le socle des statues change avec le temps, la tradition maintient pourtant cette avancée de la jambe gauche, même si elle n'est plus justifiée par rapport au texte.

Selon les Égyptiens, c'est le dieu Thot qui inventa les hiéroglyphes, qu'ils nomment médou netcher (« paroles divines »). Invention forcément parfaite de par son origine, ils ont utilisé ce système pendant plus de trois mille cinq cents ans.

Dans les tombeaux et les temples, prières et récits accompagnent les figures des dieux, des rois et des notables égyptiens. Les hiéroglyphes sont des images, et les images des hiéroglyphes. Ainsi, écritures et images se confondent, se complètent et s'éclairent.

Sandrine Bernardeau

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/statue-de-sepa

Publié le 22/04/2020

Ressources

Le mini-site de l’exposition Les Portes du ciel. Visions du monde dans l’Égypte ancienne présentée au musée du Louvre (6 mars – 29 juin 2009)

http://mini-site.louvre.fr/portesduciel/

Une saine lecture

https://www.revue-egypte.org

Glossaire

Ronde-bosse : Sculpture en trois dimensions, travaillée sur toutes ses faces. Toute statue est une ronde-bosse.

Sceptre : Insigne de pouvoir en forme de bâton.

Bas-relief : Type de sculpture en deux dimensions. Le matériau est creusé afin que la forme souhaitée apparaisse en épaisseur par rapport au fond.

Maat : Représentée coiffée d’une plume d’autruche, la déesse égyptienne Maât symbolise l’ordre du monde décidé par les dieux au moment de la Création. « Faire la Maât » ou « dire la Maât » signifient respecter cet équilibre divin ; « justice » et « vérité » traduisent ainsi souvent ce concept d’ordre divin et social. La plume de Maât se retrouve sur l’un des plateaux de la balance pour la pesée du cœur du défunt, de sa conscience, avant son entrée dans le royaume des morts.

Rituel d'ouverture de la bouche et des yeux : Dans l’Egypte ancienne, initialement accompli pour animer magiquement les statues royales au sortir des ateliers des sculpteurs, ce rituel verra son usage étendu au domaine funéraire. Au moment des funérailles, un prêtre le pratique sur la momie et les statues du défunt pour leur donner l’usage des sens. Il est constitué de prières à prononcer et de gestes à exécuter avec des instruments que l’on retrouve parfois dans les tombes.

Déterminatif : Dans l’écriture hiéroglyphique égyptienne, c’est un idéogramme muet, généralement placé à la fin du mot,qui en précise la catégorie, le sens.