Plat au serpent Palissy Bernard

Plat au serpent

Dimensions

H. : 45 cm ; L. : 53 cm

Provenance

Technique

Céramique

Matériaux

Terre cuite vernissée

Datation

Vers 1560

Lieu de conservation

France, Écouen, musée national de la Renaissance

Palissy, un homme curieux de tout ? Quel usage faisait-on de ses plats fourmillant de petits animaux ?

Bernard Palissy est un céramiste français originaire de Saintonge et l'inventeur d'un type de décoration animalière en terre cuite vernissée qui connaît un grand succès en France dans la seconde moitié du XVIe siècle. Le plat conservé à Écouen [ image principale ] illustre parfaitement le naturalisme typique de son œuvre.

Faune et flore moulées sur la nature elle-même

Au centre un serpent ondule sur un tapis végétal parsemé de cailloux et de coquillages, entouré d'eau. Autour de lui grouillent de petits animaux, poissons et écrevisses [ détail b ], grenouilles et lézards. Comme souvent chez Palissy, le monde aquatique occupe une large place. Ce décor tout en relief, où l'imitation de la nature est poussée très loin, résulte de plusieurs opérations successives. L'artiste commence par fabriquer des moules à partir d'animaux morts [ image 1 ], de coquillages ou de plantes [ image 2 ], à l'aide d'un plâtre fin qui lui permet d'en saisir très précisément tous les détails. Il agence ensuite sur un plat les divers moulages ainsi obtenus, puis réalise un moule qui servira de matrice pour reproduire l'objet en plusieurs exemplaires qui, pour finir, seront émaillés de couleurs translucides. Dans ce processus, plus qu'une simple source d'inspiration, la nature apparaît presque comme la matière première de l'œuvre. Palissy qualifiait lui-même ce type de céramique de « rustique » pour signifier son rapport au monde de la campagne.

L'esprit curieux de la Renaissance

Les plats rustiques de Palissy s'inscrivent parfaitement dans l'esprit de la Renaissance, curieux de la nature. Au XVIe siècle, beaucoup d'artistes cherchent à l'imiter, l'étudient d'un œil quasi scientifique, notamment Albrecht Dürer dont les dessins d'animaux égalent par leur précision ceux d'un zoologiste [ image 4 ]. La nature se glisse même parfois à cette époque dans des objets réalisés dans les matériaux les plus précieux, comme le bassin conservé au Louvre, œuvre de l'orfèvre allemand Wenzel Jamnitzer [ image 5 ].

Par ailleurs, la curiosité de Palissy ne se cantonne pas à la nature. Il exerce le métier de potier, manie la terre, maîtrise le feu mais il expérimente aussi des techniques et rédige même des traités. Il est un grand artiste de la Renaissance qui explore les possibilités de son art. Dans l'ouvrage intitulé De l'art de terre, il relate notamment ses expériences sur les émaux de couleur, auxquels il attachait la plus grande importance. Son goût et sa curiosité insatiables pour les sciences naturelles l'entraînent dans les antichambres des cabinets de curiosités qui, chez les riches collectionneurs, regorgent d'objets aussi admirables qu'étranges.

Une vaisselle de prince

Impropres à l'usage, les plats de Palissy font partie de ce que l'on appelle la vaisselle d'apparat, destinée uniquement à être exposée aux regards sur un dressoir dans les riches demeures. Ces objets à la réalisation délicate sont particulièrement recherchés par les collectionneurs les plus avisés de la haute société. Palissy s'attire ainsi une clientèle aristocratique. Les membres de la cour le sollicitent, comme le connétable Anne de Montmorency. Catherine de Médicis lui confie même le soin de décorer de petits animaux une grotte artificielle qu'elle a fait aménager aux Tuileries. Il installe, du reste, aux Tuileries son atelier vers 1566. Les fouilles archéologiques entreprises à l'occasion du chantier du Grand Louvre dans les années 1980 ont permis de retrouver l'emplacement de cet atelier et de sortir de terre nombre de moules [ image 2 ] et de fragments de décor [ image 3 ].

Artiste aux multiples talents, Palissy laisse une œuvre protéiforme, originale et novatrice. Mais son adhésion au protestantisme bouleverse le déroulement de sa carrière. Huguenot, il n'échappe que de justesse aux massacres de la Saint-Barthélemy en 1572. S'il doit la vie sauve à la protection de ses mécènes, il est emprisonné en 1588 à perpétuité et meurt à la Bastille en 1590.

Anne-Charlotte Béon, Cécile Galinier, Cécile Maisonneuve

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/plat-au-serpent

Publié le 12/10/2011

Ressources

Glossaire

Émail : Vernis coloré, opaque ou translucide, qui peut s’appliquer sur différents supports (céramique, métal, pierre, verre…).

Dressoir : Meuble servant à présenter de la vaisselle.

Orfèvre : Artiste ou artisan spécialisé dans le travail des métaux précieux.

Médicis : Famille florentine de banquiers collectionneurs et protecteurs des arts. Ses membres s’emparent progressivement du pouvoir à Florence au XVe siècle. Deux grands papes de la Renaissance en sont issus : Léon X (1475-1521) et Clément VII (1478-1534). Anoblie au XVIe siècle, la famille Médicis s’allie deux fois à la France en lui donnant deux reines et régentes : Catherine (1519-1589), épouse d’Henri II, et Marie (1575-1642), épouse d’Henri IV.

Moulage : Sous ce terme, on entend deux choses : – la technique du moulage permet, en prenant l’empreinte d’une création originale, de la reproduire en plusieurs exemplaires (ex. : « Faire le moulage d’une statue. ») ; – on utilise également ce terme pour désigner l’objet ainsi obtenu (ex. : « Cette statue est le moulage en plâtre d’une statue antique. »).

Renaissance : Mouvement artistique né au XVe siècle en Italie et qui se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle. Il repose sur la redécouverte, l’étude et la réinterprétation des textes, monuments et objets antiques. À la différence de la pensée médiévale qui donne à Dieu une place centrale, c'est l'homme qui est au cœur de la pensée de la Renaissance.   

serpent