Paysannes bretonnes Gauguin Paul

Paysannes bretonnes

Auteur

Dimensions

H. 66 cm ; L. 92,5 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1894

Lieu de conservation

France, Paris, musée d’Orsay

Par quel mystère ces paysannes bretonnes arborent-elles des visages tahitiens ?

Autodidacte proche des impressionnistes, Paul Gauguin devient peintre en 1882, à l'âge de trente-quatre ans. C'est en Bretagne, en 1886 puis en 1888, qu'il a la révélation d'une nouvelle forme d'art et devient l'une des figures les plus emblématiques de l'École de Pont-Aven. Après un séjour à Arles aux côtés de Vincent van Gogh, Gauguin ruiné part s'installer à Tahiti en 1891, puis dans les îles Marquises en 1901 où il restera jusqu'à la fin de sa vie. Un séjour en métropole entre août 1893 et juin 1895 ne lui apporte pas toute la satisfaction attendue, mais à cette occasion il se rend une dernière fois en Bretagne et y peint plusieurs œuvres dont ces Paysannes bretonnes où transparaissent ses expériences tahitiennes.

L'échec d'une exposition parisienne

Août 1893. Paul Gauguin, de retour de Tahiti, arrive à Paris image 2 et cherche un marchand d'art pour commercialiser ses œuvres. Il se tourne alors vers Paul Durand-Ruel, qui lui permet d'utiliser l'espace de sa galerie. L'exposition s'organise et, en novembre, le peintre présente un ensemble de toiles, dont quarante et une peintures tahitiennes ainsi que des sculptures sur bois. Mais Tahiti l'ayant éloigné de sa famille et de ses amis, il peine à renouer des liens. L'exposition est un échec.

Un dernier séjour en Bretagne

En 1894, lassé, Paul Gauguin fuit en Bretagne pour s'y ressourcer. « J'aime la Bretagne, j'y trouve le sauvage, le primitif. Quand mes sabots résonnent sur ce sol de granit, j'entends le ton sourd, mat et puissant que je cherche en peinture », écrit le peintre dans une lettre à Émile Schuffenecker en 1888. Il revient sur les lieux de sa révélation comme pour mesurer le chemin parcouru depuis ses années bretonnes et y poursuivre son travail dans la voie ouverte par sa récente expérience tahitienne image 1.

Le chef de file du synthétisme

À Pont-Aven, où il demeure sept mois, entouré de peintres sur lesquels il exerce une grande influence, il devient indéniablement le chef de file d'un nouveau mouvement, le synthétisme, qu'il pratique et revendique dans ses paysages mélancoliques aux formes cernées et aux couleurs vives posées en aplats. C'est l'aboutissement de son expérience tahitienne et de ses nombreuses années de travail. Paysannes bretonnes image principale exprime une vision originale, des audaces esthétiques incomprises de ses contemporains. Gauguin quitte définitivement la Bretagne en novembre 1894. En juin 1895, après un séjour parisien dont il ressort blessé et désespéré, il repart pour toujours en Océanie.

Peindre la Bretagne après Tahiti

Paysannes bretonnes présente, comme sur une scène de théâtre, deux femmes immobiles posant sur une petite butte. L'une se tient de face et porte un panier, tandis que l'autre, de profil, plaquée contre elle, tient un bâton à la main. Elles sont légèrement décentrées dans le paysage qu'elles surplombent, paraissant d'autant plus imposantes. La lumière est figée il ne se passe rien, tout semble banal. Au deuxième plan, le paysan penché vers le sol n'est pas sans rappeler les personnages peints par Camille Pissarro. La petite chaumière à l'arrière-plan, les rochers de granit, les coiffes et les costumes portés par les femmes évoquent bien la Bretagne chère à Gauguin.

Mais il s'éloigne de ses premières œuvres bretonnes en stylisant davantage les visages, en utilisant des coloris vifs qui évoquent un ailleurs, un monde encore sauvage.

La musique des couleurs

Paul Gauguin ne raconte pas une histoire, mais compose son tableau comme une partition musicale il recherche une harmonie reposant sur la couleur. Le bleu cobalt d'un tablier répond au vermillon de l'autre. Les verts véronèse et émeraude de l'herbe et des arbres jouent contre l'ocre rouge du toit de chaume. Un rocher bleu se détache du sol jaune. Chaque tonalité est une note qui, par résonance, fera jaillir l'émotion. « L'art est une abstraction », disait Gauguin. Ici, il l'expérimente. Les cernes bleus délimitent les formes. Pas de pittoresque dans le sujet, pas de détail dans les lignes, pas de modelé dans les tons, tout est réduit à l'essentiel, plaqué sur la toile, et le temps est arrêté. Gauguin, engagé dans une nouvelle voie artistique, semble faire écho au « Fuir ! là-bas, fuir ! » du poème Brise marine de son ami Stéphane Mallarmé. En partant vers un autre monde, en se dégageant de toute tradition académique, dans une quête de renouveau, l'artiste affirme son style.

Les Femmes de Tahiti en 3D

Véronique Duprat-Roumier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/paysannes-bretonnes

Publié le 03/10/2017

Ressources

Notice et commentaire de l'oeuvre sur le site web du musée d'Orsay

https://www.musee-orsay.fr/fr/oeuvres/paysannes-bretonnes-295

Paul Gauguin, une vidéo du Mooc Impressionnisme (RMN-Grand Palais/Fondation Orange)), à voir à 02.12

https://www.youtube.com/watch?v=oyIarS4-C4w&t=132s

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