La Monomane de l’envie Géricault Théodore

La Monomane de l’envie

Dimensions

H. 72,1 cm ; L. 58,5 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1819-1822

Lieu de conservation

France, Lyon, musée des Beaux-Arts

Portrait ou objet d’étude scientifique ?

C'est un saisissant portrait de vieille femme image principale que Théodore Géricault peint vers 1820. Représentée sur un fond sombre, elle a noué un châle sur un vêtement rouge-brun. Ses yeux inquisiteurs et injectés de sang fixent un point situé sur sa droite. Une lumière crue éclaire son visage, soulignant ses rides et les mèches de cheveux qui s'échappent de sa coiffe blanche.

La Monomane de l'envie et La Hyène de la Salpêtrière sont les titres donnés à ce tableau après sa découverte en 1863 par Louis Viardot, critique d'art, chez le docteur Lachèze à Baden-Baden (Allemagne). La toile, sans cadre ni châssis, était roulée dans un coffre avec quatre autres portraits d'hommes et de femmes image 1. Ces œuvres sont alors attribuées à Géricault et identifiées comme des portraits d'aliénés par leur caractère singulier et l'absence de mise en scène.

La peinture et la médecine aliéniste

En effet, ces portraits ne correspondent pas aux critères du portrait traditionnel. On ignore dans quel contexte Géricault les peint et pour qui. Beaucoup d'hypothèses ont été avancées, dont celle qui établit un lien entre cette série et les commandes de portraits d'aliénés réalisés dans un but scientifique. Le docteur Esquirol, médecin-chef à la Salpêtrière et élève du réformateur des hospices et asiles, le docteur Pinel image 2, a, par exemple, eu recours à cette pratique : son ouvrage Des maladies mentales, édité en 1838, est illustré des portraits gravés de ses propres patients. Les portraits d'aliénés peints ou gravés seront, quelques années plus tard, remplacés par la photographie image 3.

Les toiles de Géricault ont été baptisées par leur découvreur, Viardot, à partir des ouvrages qu'Étienne Jean Georget, élève du docteur Esquirol, a consacrés à la folie. Le mot monomane renvoie en effet à la médecine psychiatrique du XIXe siècle il désigne une personne frappée d'une obsession maladive, mais dont le raisonnement est par ailleurs rationnel. Utilisé à partir de 1820, il correspond à une période d'intenses recherches menées sur les maladies mentales. La psychiatrie, alors appelée médecine aliéniste, met en place une étude systématique des symptômes des maladies mentales. Les médecins établissent à cette période une corrélation entre la pathologie et la physionomie du patient. Georget définit ainsi les symptômes de la monomanie de l'envie : intensité de la circulation sanguine, force de la pulsation artérielle et fébrilité oculaire. Différents signes que l'on retrouve dans le tableau de Géricault, qui fut lui-même soigné par Georget à la suite d'une dépression.

D'objet d'étude au portrait

Géricault traite le thème de la folie sous un aspect nouveau. Il ne met pas l'accent sur la dégénérescence des facultés du sujet, mais le présente dans toute sa dignité, reprenant dans la composition, la sobriété des œuvres de David image 4. La série des monomanes constitue l'une des recherches les plus intenses de l'artiste sur l'humain et, pourtant, jamais exposée ni commentée, elle fut inconnue de ses contemporains. Elle est proposée au musée du Louvre en 1866, mais son sujet même, l'aliénation, dérange et échappe aux conventions en effet, le portrait, dont la dimension sociale et psychologique est essentielle, sert ici la cause de personnes échappant aux normes de la société. Jusqu'alors propriété d'un médecin et peut-être réalisée à l'initiative d'un aliéniste, la série est alors achetée par un peintre. D'objet d'étude, elle devient œuvre d'art.

Géricault, un peintre aux sujets peu conventionnels

La série des portraits d'aliénés de Géricault est contemporaine d'une des toiles les plus impressionnantes de l'artiste : Le Radeau de La Méduse image 5exposé au Salon de 1819. Véritable coup d'éclat de Géricault, cette œuvre est réalisée sur une toile de grand format, jusqu'alors réservé à la peinture d'histoire. Le tableau met en scène un fait divers qui a ému les contemporains, un naufrage sur les côtes du Sénégal. Géricault bouleverse les conventions académiques, il étudie chaque détail du témoignage des rescapés, fréquente les hôpitaux, peint les corps à partir de fragments de cadavres. Ces œuvres de Géricault s'inscrivent dans les recherches de l'artiste sur la nature profonde de l'homme, sur la folie et le désespoir, autant de questionnement qui passionne la jeune génération des peintres romantiques.

Cécile Galinier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/la-monomane-de-lenvie

Publié le 17/01/2019

Ressources

Un article de Dora B. Weiner concernant l’œuvre de Pinel à la Salpêtrière et les progrès de la médecine psychiatrique

https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2006-9-page-757.htm#

Une approche historique de la folie sur le site L’Histoire par l’image

http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=897&d=1&m=psychiatrie

Une étude de deux des portraits d’aliénés de Géricault sur le site L’Histoire par l’image

http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=129&d=1&m=monomane

Glossaire

Salon : Au XVIIIe siècle les expositions des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture se tenaient dans le Salon carré du Louvre. Le terme « Salon » désigne par la suite toutes les expositions régulières organisées par l’Académie.

Académie (institution) : L’Académie royale de peinture et de sculpture est fondée en 1648. En 1816, l'Académie des beaux-arts est créée par la réunion de l’Académie royale de peinture et de sculpture, de l’Académie de musique (fondée en 1669) et de l’Académie d’architecture (fondée en 1671).

Composition : Manière de disposer des figures, des motifs ou des couleurs dans l’élaboration d’une œuvre.