La Course de taureaux Miró Joan

La Course de taureaux

Auteur

Dimensions

H. : 114 cm ; L. : 144 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

8 octobre 1945

Lieu de conservation

France, Paris, Centre Pompidou, musée national d’Art moderne

Que dissimulent les formes naïves de l’animal ? En quoi cet artiste est-il proche des surréalistes ?

Miró est né à Barcelone et a commencé sa carrière avec une peinture réaliste, mais schématique et naïve [ image 1 ]. Sa production est d'abord marquée par les personnages, les animaux et les outils de la ferme de ses parents en Catalogne. Par la suite, il prend des distances par rapport au réel et élabore un langage de signes personnels et biomorphiques (comme des organismes vivants). Le thème de la course de taureaux apparaît dans son œuvre avant 1937, date à laquelle il fuit la guerre civile en Espagne, et ressurgit avec ce tableau [ image principale ] qu'il ébauche en 1942 et reprend trois ans plus tard.

Le taureau : entre symbole et humour

Le tableau représente le face-à-face dramatique du taureau et du toréador. Il symbolise la violence et la mort au moment où l'Europe est en guerre. Sous le pinceau de Picasso, le taureau évoque l'identité espagnole et la brutalité aveugle. Il devient chez Miró à la fois inquiétant et ridicule : dents et moustaches le transforment en chat, son œil devient une cible, et il semble avoir perdu sa puissance sexuelle. En haut à droite, le toréador paraît courir sur des jambes qui ressemblent à des ficelles. À gauche apparaît un organisme étrange et monstrueux, tout droit sorti de l'imagination du peintre.

Une arène céleste

Ce tableau témoigne de la démarche de Miró, partagée entre réel et irréel, entre matérialité de l'œuvre et immatérialité de la représentation. Ainsi, pour rendre le sol sablonneux d'une arène et les traces du combat entre l'homme et l'animal, l'artiste a gratté la couche picturale, allant jusqu'à faire apparaître la toile de lin par endroits. Les lignes tracées d'un seul jet et les couleurs en aplat se détachent nettement sur ce fond vibrant. Mais l'absence de repères spatio-temporels transforme cette arène en un lieu hors du monde, où les formes semblent flotter. L'aspect cosmique et les motifs – « œil-sexe » [ détail b ], étoile et cible – apparaissent déjà dans Constellations, série de vingt-trois tableaux peints en Normandie. Miró partage avec Jean Arp [ image 2 ], qu'il rencontre en France, ce goût pour les formes en dilatation, en devenir. La Course de taureaux fait aussi penser aux sculptures que Calder réalise pendant la guerre : les grands aplats colorés associés à des lignes noires de Miró évoquent les morceaux de bois polis et peints que le sculpteur relie par des fils de métal. Miró, Arp et Calder, liés d'amitié, sont inspirés tous trois par le ciel, les astres, la métamorphose des nuages, et échappent ainsi à la pesanteur du monde.

Miró surréaliste ?

Dans La Course de taureaux, certains éléments semblent proches de l'esthétique surréaliste, comme l'aspect hybride de l'animal, mi-taureau, mi-chat. Miró laisse agir son inconscient quand il peint, mais il n'utilise pas les techniques surréalistes. Il fait courir la ligne avec rapidité sur le tableau comme un dessin automatique mais, contrairement à André Masson, par exemple, le dessin est volontaire et non le fruit du hasard. André Breton, poète et chef de file du mouvement surréaliste qu'il rencontre en 1924, est intrigué par ses toiles vides, qui lui semblent salies plus que peintes et d'une beauté primitive. Il lui offre même d'entrer dans le groupe, mais Miró repousse cette invitation. En dépit de ses relations étroites avec les artistes et les galeries du surréalisme, Miró tient à conserver son indépendance.

Plus méditatif que surréaliste

Quand il séjourne aux États-Unis à partir de 1947, Miró entre en relation avec la jeune avant-garde américaine. S'il apporte son univers de rêve à Pollock, il reçoit de lui en retour l'énergie du geste, le procédé des projections et des coulures de peinture. Dans son atelier de Palma de Majorque où il se retire à partir de 1956, il élabore des peintures immenses, dépouillées et d'apparence abstraite : de rares signes, points et traînées de couleur, sont suspendus dans le vide transparent. Le peintre affectionne surtout le bleu, la couleur de ses rêves, et il essaie de rendre visible « l'éloquence du silence ». Michel Leiris, penseur proche des surréalistes, a collectionné les tableaux de Miró et les a décrits comme de « mystérieux poèmes » ou encore comme des « alluvions chargées de vestiges arrachés à la nature ».

Isabelle Majorel

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/la-course-de-taureaux

Publié le 07/10/2013

Ressources

Site officiel de la Fondation Miró à Barcelone

http://www.fundaciomiro-bcn.org/

Site officiel de la Fondation Pilar et Joan Miró à Palma de Majorque

http://miro.palmademallorca.es/pagina.php?Cod_fam=1

Site officiel du Centre Miró à Mont-roig

http://www.centremiro.com/planes/centreMiro.php?idioma=fr

Un dossier pédagogique du Grand Palais

https://www.grandpalais.fr/pdf/Dossier_Pedagogique_MIRO.pdf

Une œuvre de la série Constellations, conservée au Metropolitan Museum of Art de New York (en anglais)

http://www.metmuseum.org/Collections/search-the-collections/210010246?rpp=20&pg=1&ft=constellations&pos=1

Une œuvre de la série Constellations, conservée au Museum of Modern Art de New York (en anglais)

http://www.moma.org/collection/browse_results.php?criteria=O%3ATI%3AC%3Aconstellation&page_number=5&template_id=1&sort_order=1

Glossaire

Surréalisme : Courant artistique très lié à la littérature, qui se développe à partir des années 1920. En 1924, André Breton définit le surréalisme comme un « automatisme pur », une « dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison ».