Les Enfants d'Édouard - Édouard V, roi mineur d’Angleterre, et Richard duc d’York, son frère Delaroche Paul

Les Enfants d'Édouard

Dimensions

H. 181 cm ; L. 215 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1830

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Qui sont ces enfants ? Pourquoi paraissent-ils terrifiés ?

Dans une chambre sombre, deux enfants vêtus de noir à la mode du xve siècle sont assis sur un lit à baldaquin image principale. Celui de droite, aux cheveux blonds, montre un visage blême et fatigué. Celui de gauche vient d'interrompre sa lecture et fixe la porte d'un regard inquiet. La lueur sous la porte, qui attire l'attention du petit chien, laisse présager une issue dramatique. Dans ce tableau, Paul Delaroche fait allusion à un épisode mystérieux de l'histoire d'Angleterre, qu'il interprète de manière dramatique en jouant sur le suspens. L'œuvre s'inscrit dans le courant romantique, fasciné à la fois par l'histoire et par ce pays.

Entre l'histoire et la fiction

La scène est inspirée d'un épisode de la guerre des Deux-Roses qui oppose, au xve siècle, les Lancastre et les York. Cette lutte fratricide s'achève avec la mort de Richard III et l'avènement d'une nouvelle dynastie : les Tudors.

Le tableau représente les deux enfants d'Édouard IV, roi d'Angleterre. Lorsque celui-ci meurt, son frère Richard devient le tuteur des deux garçons (Édouard V, roi mineur, et son frère), qui disparaissent dans des circonstances mystérieuses, peut-être assassinés par leur oncle qui devient alors roi d'Angleterre sous le nom de Richard III.

Delaroche choisit de ne pas représenter la mort des enfants, mais l'instant qui la précède. Les sources du peintre sont multiples et communes à la génération des peintres romantiques : Richard III de William Shakespeare, publié en 1597, et Histoire d'Angleterre de David Hume. Le premier est très apprécié des peintres pour sa capacité à donner une vision romancée de l'histoire, tandis que le second, philosophe et historien écossais du milieu du xviiie siècle, est une référence incontournable pour l'histoire de l'Angleterre.

Delaroche et la passion de l'histoire

Au début du xixe siècle, un véritable échange artistique s'instaure entre la France et l'Angleterre. Delaroche part à Londres en 1827 et visite la tour de Londres, lieu où les enfants étaient, selon l'histoire, retenus par leur oncle. Passionné par les sujets historiques et leur reconstitution, le peintre entreprend des recherches minutieuses sur les décors ou les objets qui peuvent donner une dimension réaliste à la représentation d'événements tirés de l'histoire contemporaine image 1 ou du passé image 2.

Dans ce tableau, de nombreux détails évoquent le Moyen Âge : le manuscrit orné d'une Annonciation détail b, le médaillon d'orfèvrerie et la forme du lit détail c et détail e. Il y ajoute des éléments purement anglais : les emblèmes royaux sur le lit, la rose des York et la herse des Beaufort, le ruban de l'ordre de la Jarretière noué à la jambe gauche d'Édouard V détail d et l'épagneul anglais.

Delaroche peint des œuvres de « genre historique » dont les sujets mêlent l'histoire et la vie quotidienne. Les moments anecdotiques, riches en tensions et en émotions, provoquent aussitôt l'empathie du spectateur. Delaroche excelle dans ce genre : ses œuvres remportent un succès immédiat et sont suivies par une édition gravée.

Cette passion pour l'histoire, qui donne aux toiles du peintre un caractère presque documentaire, a souvent été critiquée. Delaroche justifie ainsi sa peinture : « Pourquoi serait-il défendu au peintre de rivaliser avec les historiens ? Pourquoi le peintre ne pourrait-il pas lui aussi avec ses moyens enseigner la vérité de l'histoire avec toute sa dignité et sa poésie ? »

Peinture et théâtre

Delaroche entretient également des liens privilégiés avec le théâtre. Son tableau en rend bien compte : la composition, le suspens entretenu par les regards inquiets, les ombres que l'on devine sous la porte relèvent en effet de l'art dramatique.

Le peintre participe à l'enthousiasme général pour le théâtre, et ses peintures inspirent certains auteurs. Ainsi, en 1833, la pièce Les Enfants d'Édouard de son ami et poète Casimir Delavigne découle de son tableau, et Delaroche est même sollicité pour en dessiner les costumes.

À cette période de sa vie, Delaroche réalise deux autres tableaux inspirés de l'histoire anglaise et composés comme une mise en scène de théâtre : Mort d'Élisabeth, reine d'Angleterre, en 1603 et L'Exécution de Lady Jane Gray. Théophile Gautier disait de lui : « Chacun de ses tableaux est un cinquième acte de mélodrame ou de tragédie, au bas duquel on pourrait écrire comme indication finale : “La toile tombe.” »

Ressources

La notice de la réplique du tableau sur le site de la Wallace Collection

http://www.wallacecollection.org/whatson/treasure/92

La reproduction gravée du tableau de Paul Delaroche au XIXe siècle

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84374681

Le dossier de presse de l’exposition sur les peintres troubadours et le genre historique « L’Invention du passé : histoires de cœur et d’épée en Europe (1802-1850) » qui s’est tenue au musée des Beaux-Arts de Lyon du 19 avril au 21 juillet 2014

http://www.mba-lyon.fr/static/mba/contenu/pdf/expos/dp-Invention-passe-web.pdf

Une vidéo du domaine de Chantilly sur le tableau de Delaroche Assassinat du duc de Guise, mettant en lumière la composition inspirée du théâtre

https://vimeo.com/128784751

Glossaire

Orfèvrerie : Art de travailler les métaux précieux.

Romantisme : Le mot est introduit dans la langue française par Rousseau à la fin du XVIIIe siècle. Il désigne par la suite un élan culturel qui traverse la littérature européenne au début du XIXe siècle, puis tous les arts. Rompant avec les règles classiques, la génération romantique explore toutes les émotions données par de nouveaux sujets, en privilégiant souvent la couleur et le mouvement.