L’Après-dîner à Ornans Courbet Gustave

L’Après-dîner à Ornans

Dimensions

H. : 195 cm ; L. : 257 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1848-1849

Lieu de conservation

France, Lille, palais des Beaux-Arts

Pourquoi un si grand tableau pour une scène si banale ? En quoi L’Après-dîner à Ornans constitue-t-il le premier manifeste du réalisme ?

Gustave Courbet a trente ans quand il expose ce tableau au Salon de 1849. Né à Ornans, en Franche-Comté, il vit à Paris depuis dix ans. Il commence à se faire un nom et peint surtout des portraits. Mais c'est L'Après-dîner à Ornans [ image principale ] qui le rend célèbre. C'est son premier tableau de grand format, avec des personnages presque grandeur nature, et sa première œuvre réaliste importante.

Une scène familière de la vie à la campagne

Dans la notice explicative que doit fournir tout artiste qui expose au Salon de 1849, Courbet présente ainsi son tableau : « C'était au mois de novembre, nous étions chez notre ami Cuénot. Marlet revenait de la chasse et nous avions engagé Promayet à jouer du violon devant mon père. » Il s'agit donc d'une scène vécue par le peintre, qui en raconte les circonstances et donne l'identité des personnages. Son père, Régis Courbet, est assis à gauche, les jambes croisées, une main tenant un verre vide, l'autre dans la poche, la tête baissée ; il semble assoupi. Derrière la table se trouve le maître des lieux, Urbain Cuénot ; l'air pensif, la tête appuyée sur la main gauche, il regarde le musicien. Celui-ci, Alphonse Promayet, un autre ami d'enfance du peintre, est assis dans l'ombre et joue du violon. Enfin, le dernier personnage, Adolphe Marlet, le chasseur, est représenté de dos en train d'allumer sa pipe, avec son chien endormi sous sa chaise.

La fidélité au réel

Courbet montre sa vie à Ornans où il revient régulièrement, sa famille, ses amis de jeunesse. Il les représente avec amitié mais sans complaisance, car la recherche de la vérité prime dans son œuvre. Le tableau baigne dans une faible lumière qui est celle d'un après-midi d'automne, la dînée qu'évoque le titre du tableau étant à cette époque le repas de midi et non celui du soir. Elle éclaire les visages, la nappe et le personnage de dos, laissant le reste de la pièce dans la pénombre ; on devine à peine une imposante cheminée à l'arrière-plan. Les couleurs sont peu nombreuses et plutôt sombres, des noirs profonds, des bruns et des gris. Les taches claires que constituent la nappe blanche et le vêtement beige du chasseur ressortent d'autant plus.

Les habits chauds des personnages et la présence du chien de chasse contribuent à situer la scène en automne. Courbet représente aussi avec réalisme les restes du repas sur la table et même une grosse tache de vin sur la nappe [ détail b ] ! Il ne cherche pas à enjoliver la scène, mais à la représenter dans toute sa réalité. Enfin, sa composition est construite en profondeur et donne parfaitement l'illusion de l'espace. Tous ces éléments contribuent à évoquer avec force un monde réel et familier.

Aux origines du réalisme dans la peinture

La peinture française du XVIIe siècle offre de nombreux exemples de scène de genre sur le thème du repas, des buveurs et des musiciens, notamment chez les caravagesques, dont le plus célèbre représentant est Valentin de Boulogne [ image 1 ]. Les frères Le Nain ont également montré leur intérêt pour ce sujet avec des toiles comme le Repas de paysans [ image 2 ]. Mais Courbet puise aussi son inspiration dans la peinture nordique, flamande et hollandaise [ image 3 ], où la scène de genre tient une place majeure depuis la Renaissance. Ayant justement voyagé en Belgique et aux Pays-Bas dans les années qui précèdent L'Après-dînée, il a pu voir l'œuvre de peintres qui satisfont son exigence de réalisme.

Mais est-ce vraiment une scène de genre ?

La plupart de ces tableaux anciens sont de format plus modeste que L'Après-dîner à Ornans, et les personnages qui y figurent sont anonymes. En donnant de grandes dimensions à son œuvre (plus de 2,50 m de large) et en nommant les personnages, Courbet transforme une scène de genre en un sujet historique. En effet, les grands formats sont traditionnellement réservés à la peinture d'histoire, le genre alors le plus valorisé par l'École des beaux-arts. Courbet bouscule donc la tradition, comme il le fait encore un an plus tard avec Un enterrement à Ornans [ image 4 ]. Ardent républicain, il veut peut-être aussi montrer que tout le monde a sa place dans un tableau d'histoire.

Cette volonté de rivaliser avec la peinture d'histoire peut expliquer une autre source d'inspiration, La Vocation de saint Matthieu de Caravage [ image 5 ]. Courbet en reprend la composition, qui place sur le côté et dans l'ombre le personnage en action (le Christ chez Caravage, le violoniste dans L'Après-dînée), et aussi les forts contrastes d'ombre et de lumière. Sans être allé à Rome, il connaissait probablement ce célèbre tableau par une gravure.

Avec L'Après-dînée, Courbet obtient un grand succès au Salon de 1849, et même une médaille d'or ! Delacroix ne tarit pas d'éloges : « Avez-vous vu rien de pareil, ni d'aussi fort […] ? Voilà un novateur, un révolutionnaire aussi, il éclôt tout à coup sans précédent. » L'État achète le tableau et l'envoie au palais des Beaux-Arts de Lille. Quant à la petite ville d'Ornans, elle réserve un accueil triomphal à l'enfant du pays !

Françoise Besson

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/lapres-diner-ornans

Publié le 21/08/2013

Ressources

Site officiel du palais des Beaux-Arts de Lille

http://www.pba-lille.fr/

Un dossier Courbet sur le site officiel du musée d’Orsay

http://www.musee-orsay.fr/fr/collections/dossier-courbet/biographie.html

Glossaire

Salon : Au XVIIIe siècle les expositions des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture se tenaient dans le Salon carré du Louvre. Le terme « Salon » désigne par la suite toutes les expositions régulières organisées par l’Académie.

Caravagisme : Courant artistique initié à Rome au début du XVIIe par Caravage, qui se caractérise principalement par des compositions sobres, clairement structurées, une représentation fidèle de la réalité et des effets de clair-obscur. On qualifie les peintres qui se rattachent à ce mouvement de « caravagesques ».

Peinture d’histoire : Genre pictural majeur représentant des scènes inspirées de l’histoire, de la religion, de la mythologie ou de la littérature.

Scène de genre : Sujet de peinture qui présente la vie quotidienne en famille et en société.

Réalisme : Courant artistique du XIXe siècle qui privilégie une représentation non idéalisée de sujets inspirés du monde réel. Le peintre Gustave Courbet en est la figure de proue, et son tableau Un enterrement à Ornans, exposé en 1855, le premier manifeste.

Romantisme : Le mot est introduit dans la langue française par Rousseau à la fin du XVIIIe siècle. Il désigne par la suite un élan culturel qui traverse la littérature européenne au début du XIXe siècle, puis tous les arts. Rompant avec les règles classiques, la génération romantique explore toutes les émotions données par de nouveaux sujets, en privilégiant souvent la couleur et le mouvement.