Fauteuil MR 20 Mies van der Rohe Ludwig

Fauteuil "MR 20"

Chaise empilable éditée par Vitra International AG (Suisse) pour Herman Miller (États-Unis), en production depuis 1967

Dimensions

H. : 80 cm ; L. : 56 cm ; Pr. : 84 cm

Provenance

Technique

Matériaux

Structure flexible en porte-à-faux, tube d'acier chromé. Assise cannée.

Datation

1927-1930

Lieu de conservation

France, Paris, Centre Pompidou, musée national d’Art moderne

En quoi ce fauteuil de Mies van der Rohe est-il une pièce de mobilier extraordinaire ?     

D'origine allemande, Ludwig Mies van der Rohe est surtout connu pour sa carrière d'architecte aux Etats-Unis, où il s'exile en 1938. À Chicago notamment, ville des premiers gratte-ciels, il révolutionne la conception des espaces intérieurs en utilisant des structures porteuses en métal suffisamment discrètes et solides pour les moduler et les dégager totalement de tous les murs porteurs.

Dès ses débuts en Allemagne, il participe activement à la réflexion menée par de nombreux architectes sur le rapport entre le meuble et l'habitation. En 1927, Mies van der Rohe dirige la mise en œuvre de l'exposition « Die Wohnung » (« L'habitation ») organisée à Stuttgart par le Deutscher Werkbund, une association créée à Munich en 1907 ayant pour objectif de rapprocher artisanat et création industrielle. Parallèlement au projet architectural, une section de mobilier est présentée sous la direction de l'architecte d'intérieur Lilly Reich. C'est dans ce cadre que Mies van der Rohe dessine le fauteuil MR 20 image principale.

Le tube en acier chromé : une révolution technique

Si l'assise, le dossier et une partie des accoudoirs du fauteuil MR 20 image principale sont couverts d'un cannage très traditionnel, la structure, elle, est faite d'un matériau résolument novateur : des tubes d'acier chromé. Utilisé pour la première fois par Marcel Breuer pour réaliser la structure d'un fauteuil club en 1923 image 4, ce métal, issu de de la production industrielle, présente pour les créateurs de nombreuses qualités, à commencer par sa légèreté et sa résistance. Il est également bon marché et usinable, ce qui permet de produire un meuble en série.

C'est le pied…

Derrière son apparente simplicité, ce fauteuil est une petite révolution technique : il est en porte-à-faux, c'est-à-dire que les angles de l'assise ne sont pas fixés sur quatre pieds, comme on le voit encore dans le fauteuil de Breuer image 4. En effet, la souplesse et l'élasticité des tubes d'acier chromé permettent à Mies van der Rohe de concevoir un support d'un seul tenant associant dossier, assise et pied dans une courbe élégante et totalement ouverte à l'arrière. L'architecte supprime donc la jonction entre la partie arrière de l'assise et le pied seule la courbe avant maintient le lien.

L'audace de ce parti pris s'accorde avec la grande élégance du dessin des lignes du fauteuil. Celles de la partie avant ne sont pas sans rappeler le confort d'un rocking-chair. La simplicité du dessin de la structure en acier s'accorde avec l'architecture tout en jeux de lumière et de transparence de Mies van der Rohe.

La tentation du meuble et l'expérience du Bauhaus

Les projets de meubles sont peu nombreux dans la carrière de Mies van der Rohe, qui s'est pourtant confronté à plusieurs reprises aux nombreuses réflexions que suscite le design de mobilier et d'objets au début du xxe siècle.

En 1929, il conçoit une chauffeuse image 2 pour le pavillon de l'Allemagne image 1, bâtiment qu'il dessine dans le cadre de l'Exposition universelle de Barcelone. À la même époque, il imagine un autre siège, le fauteuil Brno image 3, pour une luxueuse villa dont le projet lui a été confié par un particulier à Brno, en République tchèque. Les réflexions de Mies van der Rohe s'intensifient encore à partir de 1930, lorsqu'il est nommé à la tête du Bauhaus, à Dessau. Cette école d'arts appliqués, créée par l'architecte Walter Gropius, incitait en effet les élèves à rapprocher la création et le savoir-faire artisanal de la production et des techniques industrielles. Cependant, les liens entre certains membres et le mouvement communiste aboutiront en 1933 à la fermeture de l'école par les nazis, en dépit des efforts de Mies van der Rohe pour prolonger l'enseignement sous d'autres formes.

Fonctionnalité et art

Faire œuvre novatrice en dessinant un siège n'est pas si simple. Loin d'être un meuble décoratif comme certains cabinets du XVIIe siècle, une assise doit remplir sa fonction : permettre de s'assoir. S'émanciper du schéma ancestral de la chaise à quatre pieds n'est pas une mince affaire. C'est ce qui préoccupe notamment Carlo Bugatti, créateur italien, lorsqu'il imagine une chaise pour son mobilier escargot présenté à l'Exposition internationale de Turin en 1902 image 5. Là, le siège prend une allure de tabouret lié au dossier par un élément central en courbe. Quatre petites cales figurent néanmoins des pieds. Nettement plus tard, en 1958, Verner Panton retravaille l'idée d'une chaise en porte-à-faux en utilisant un polyester qui ne présente malheureusement pas assez de souplesse car trop cassant image 6. Il ne sera remplacé par un matériau plus performant qu'en 1967. Ce qui montre que résoudre la problématique de la conception d'un siège en porte-à-faux suffisamment flexible dès 1927 était pour le moins un coup de maître.

Isabelle Bonithon

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/fauteuil-mr-20

Publié le 26/05/2016

Ressources

http://www.mam-st-etienne.fr/index.php?rubrique=260&rsrc=1119&rec=%7C%7C%7C

Une conférence filmée consacrée à la carrière de Mies van der Rohe sur le site des Conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement en Languedoc-Roussillon

http://www.caue-lr.fr/mies-van-der-rohe-1886-1969-lethique-minimaliste

Une définition du Bauhaus sur le site du Grand Palais

http://www.grandpalais.fr/fr/article/le-bauhaus

Une page consacrée à Mies van der Rohe sur le site du Centre Pompidou

https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/cynnAbE/rynoR77

Une présentation de la villa Tugendhat à Brno, contemporaine du fauteuil MR 20, sur le site de l’Unesco

http://whc.unesco.org/fr/list/1052/

Glossaire

Art nouveau : Style qui se développe dès la fin du XIXe siècle, d'abord en Belgique et en France. Il s’épanouit dans l’architecture et dans les arts décoratifs. La recherche de fonctionnalité est une des préoccupations de ses architectes et designers. L’Art nouveau se caractérise par des formes inspirées de la nature, où la courbe domine.

Exposition universelle : Présentation publique durant laquelle des produits de l’art et de l’industrie du monde entier sont exposés. La première a eu lieu à Londres en 1851.