Transportant une cithare "qin" pour aller voir un ami Fan Kuan

Transportant une cithare "qin" pour aller voir un ami

Auteur

Dimensions

H. : 135 cm ; L. : 178 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Soie

Datation

XIIe-XIVe siècle

Lieu de conservation

France, Paris, musée Guimet, musée national des Arts asiatiques (MNAAG)

À qui étaient destinés ces rouleaux de peinture ? Pourquoi un grand paysage à l’encre noire ?

Réalisée à l’encre sur soie, cette peinture de format vertical nous plonge au cœur d’un vaste paysage de montagne image a. Elle est attribuée à l’un des grands maîtres de la peinture de paysage de la dynastie Song image 4, Fan Kuan. On ne sait presque rien de sa vie, et il ne reste qu’une seule peinture qui lui soit attribuée de façon certaine. Aussi celle que nous observons est-elle probablement datable du XIIe-XIVe siècle, inspirée par l’œuvre du maître. Son titre est donné par l’inscription placée dans la partie supérieure : Transportant une cithare qin pour aller voir un ami image b. Ces peintures ont rarement un titre donné par le peintre lui-même ; il s’agit bien souvent, comme ici, d’inscriptions plus tardives rédigées par un collectionneur.

Faire de la musique et contempler le paysage

L’artiste ne propose pas une vision d’ensemble du paysage, mais conduit lentement le regard de celui qui contemple la peinture du terre-plein, avec les rochers du premier plan, vers le pont. On remarque alors trois petits personnages : un lettré, accompagné de son serviteur portant une cithare qin  se dirigeant vers un pavillon où l’attend son ami image c. Ils pourront faire de la musique en contemplant le paysage, une immense cascade se transformant en torrent, entourée de hautes montagnes. Enfin, la contemplation mène vers les pics rocheux, avant de se perdre dans les brumes du ciel, tout en haut.

Un paysage monochrome

La peinture chinoise sur rouleau semble se développer dès le IIIe siècle apr. J.-C. On distingue la peinture officielle, réalisée avec minutie en couleur, de la peinture lettrée, qui laisse place à l’encre noire et ouvre la voie aux peintures de paysages monochromes. Le poète et peintre Wang Wei, qui a vécu au VIIIe siècle, serait l’inventeur du paysage monochrome en lavis d’encre. Les peintures sur rouleau chinoises traditionnelles, qu’elles soient horizontales ou verticales, sont réalisées sur papier ou, comme ici, sur soie. Une tradition de la peinture lettrée utilise l’encre noire plus ou moins délayée en lavis image 1 pour créer de vastes paysages et ne cherche pas les effets de couleur. Plus on s’élève vers les hauteurs, plus le lavis se fait clair pour évoquer les brumes. Aucun dessin n’est réalisé au préalable. Le peintre utilise le fond nu de la soie ou du papier pour créer des motifs en réserve suggérant la présence de l’eau et de la cascade image d. Comme beaucoup de peintres lettrés de la Chine ancienne, Fan Kuan semble avoir passé une grande partie de sa vie à voyager dans les montagnes et à les contempler. À la suite de cette longue contemplation, le paysage est intériorisé par le peintre qui trace directement, en un trait unique, le paysage. Les mouvements rapides de son pinceau retranscrivent les mouvements de son âme et invitent à un voyage intérieur. Si on peut reconnaître chez Fan Kuan les hautes montagnes du nord de la Chine, où il semble avoir vécu, la vision de la nature qu’il nous offre reste personnelle. Le paysage représenté traduit le cheminement de son regard et guide le spectateur, comme pour une promenade. Ainsi, il conduit celui-ci du premier plan, où se situe l’action (l’arrivée du lettré et de son serviteur s’apprêtant à traverser le pont pour rejoindre le pavillon), vers les pics montagneux avant de se perdre dans le ciel. La présence des personnages reste discrète, car c’est la force tellurique de la nature qui est le véritable sujet de l’œuvre.

Une peinture de lettré

Le peintre est souvent un lettré fonctionnaire qui pratique la peinture pour son plaisir personnel image 2. Ses œuvres ne sont pas à vendre, mais il peut les offrir à des amis, souvent érudits. Ces peintures de collectionneurs passent de main en main, de génération en génération : en témoignent les marques rouges, dans la partie supérieure, des sceaux des différents propriétaires de cette œuvre image b. Ces grandes peintures sur soie étaient montées sous forme de rouleaux image 3. Les horizontaux étaient déroulés sur de longues tables, alors que les verticaux étaient faits pour être contemplés accrochés sur un mur. La fragilité du matériau, souvent de la soie contrecollée sur papier, comme ici, ne permettait pas de les accrocher longtemps ; ils étaient conservés roulés et rangés dans des boîtes et on ne les contemplait qu’à l’occasion d’une fête ou bien d’une réunion entre amis. Constituée d’un millier d’œuvres, la collection de peinture chinoise du musée Guimet est issue de collections privées du XIXe siècle et de récentes acquisitions.

Mots-clés

Ressources

Glossaire

Dynastie Song : Dynastie chinoise qui règne de 960 à 1279, correspondant à un essor économique, technique et culturel.

Cithare "qin" : Instrument traditionnel chinois à cordes pincées.

Lettré : Le lettré, en Chine, désigne celui qui détient la connaissance des textes classiques et qui possède des qualités morales.

Lavis : Dilution de l’encre avec de l’eau afin d’obtenir différentes intensités