Le Jeune mendiant Murillo Bartolome Esteban

Le Jeune mendiant

Dimensions

H. : 134 cm ; L. : 110 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1647-1648

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Pourquoi peindre des miséreux ?

Ce tableau nous fait entrer d’un bond dans une autre époque image principale. Un petit garçon du XVIIe siècle est assis par terre, à côté d’une cruche. Un rayon de soleil passe par la fenêtre. Il ne se passe presque rien, mais on devine sa pauvreté. C’est une œuvre très célèbre de l’artiste espagnol Bartolomé Murillo.

Une scène du quotidien

Le peintre choisit de décrire un jeune mendiant qu’il a certainement observé dans les rues de Séville. Suivant l’exemple d’un réalisme cru lié au caravagisme venu d’Italie, il présente le garçon assis sur le sol d’une pièce sordide, avec les pieds sales et les vêtements déchirés. Sans être allé en Italie, le peintre reprend un schéma de composition typique de ce courant avec son personnage en gros plan, dont le relief est accentué par le contraste d’ombre et de lumière. L’enfant se détache sur un mur sombre et reçoit une lumière intense qui entre par la fenêtre placée à gauche. La description d’humbles objets, panier, poterie, nourriture, rappelle l’importance que Caravage attachait à la nature morte image 1.

Le jeune mendiant a ouvert le col de sa chemise et regarde sa poitrine image b. Il cherche à attraper une puce ; d’ailleurs, ce tableau est aussi intitulé Le Jeune Pouilleux. Au premier plan, on voit une cruche et un panier de pommes renversé. Des crevettes sont éparpillées sur le sol. Il s’agit probablement des restes du repas du garçon image c. Ce tableau, conservé au Louvre, est le premier d’une série de scènes de genre peintes par Murillo. Elles représentent des gamins des rues image 2, leur vie quotidienne, mangeant des fruits, jouant aux dés ou simplement souriant au spectateur. Ces œuvres sont parmi les plus populaires de l’artiste.

Un sujet picaresque

Murillo a décrit le thème de l’enfance tout au long de sa carrière. Le Jeune Mendiant image principale offre un instantané de la vie populaire. Le fait d’évoquer un petit garçon sans ressources est peut-être un appel aux actions de charité. Il s’agit d’un sujet profane, une scène de genre. Ces thèmes correspondent à une demande de la clientèle aisée, en particulier les étrangers, commerçants ou diplomates. Ils décrivent une réalité parfois cruelle, mais traitée avec humanité. L’enfant du tableau de Murillo est gracieux malgré sa misère. Le peintre dépasse la trivialité du sujet en posant un regard tendre sur lui et en choisissant une palette élégante, composée d’un camaïeu d’ocres et de gris. La tache blanche de la chemise attire notre regard vers le garçon et la chaleur du soleil enrobe celui-ci d’une lumière dorée. Un parallèle peut également être fait entre ce type de sujet et le développement de la littérature picaresque.

Le Siècle d’or espagnol connaît un engouement pour les romans relatant de façon pittoresque les aventures de marginaux, vagabonds, voleurs ou mendiants. Ils ont aussi influencé Ribera et Velasquez à ses débuts.

Bartolomé Murillo, un maître du Siècle d’or espagnol

Dernier né d’une famille nombreuse, Murillo est orphelin très tôt. Il est recueilli par un de ses beaux-frères. Il se forme dans l’atelier du peintre Juan de Castillo, puis entreprend rapidement une carrière indépendante. Mis à part de brefs séjours à Cadix et Madrid, la vie de Murillo se déroule à Séville image 7. Cette ville, située en Andalousie, est une des plus riches d’Espagne. Son port assure le commerce avec les colonies d’Amérique. Les marchands, les banquiers, les ordres religieux sont des mécènes actifs, et le jeune peintre peut y faire carrière.

Murillo reçoit sa première commande importante : onze tableaux pour le cloître du couvent San Francisco de Séville. Ils relatent la vie et les miracles des principaux membres de l’ordre franciscain. Dans ce cycle marqué par le naturalisme caravagesque, Murillo ajoute une note de sentimentalité propre à son tempérament. Le plus célèbre tableau de la série est La Cuisine des anges image 3, qui associe le surnaturel au quotidien. Un frère en lévitation, auréolé de lumière, voit dans son extase des anges préparer à sa place le dîner de la communauté. Des angelots s’affairent, d’autres jouent dans un désordre pittoresque. Murillo peint surtout des tableaux religieux, en particulier des cycles de peintures pour l’ordre des franciscains. Sa sensibilité le rapproche de la spiritualité de cet ordre, empreinte de joie et de fraternité. Il évoque avec grâce et tendresse la figure de la Vierge Marie, en particulier le thème de l’Immaculée Conception dont il a réalisé une longue série image 4 Le style de Murillo évolue dans la seconde partie de sa carrière. L’influence des Flamands (Rubens, Van Dyck image 5 dont il a vu les œuvres dans les collections du roi à Madrid, l’amène vers une peinture plus colorée et des formes vaporeuses image 6. Ses compositions théâtrales le rattachent au courant baroque et la douceur des contours des figures annonce même le rococo.

Il devient l’un des plus célèbres peintres du Siècle d’or espagnol avec Ribera, Zurbaran et Vélasquez. Ses qualités artistiques associant poésie et réalisme ont fait de Murillo l’un des peintres espagnols les plus populaires de son temps. Son prestige est demeuré au-delà dans toute l’Europe jusqu’au XIXe siècle.

Colette Féraudet

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/le-jeune-mendiant

Publié le 14/06/2023

Ressources

La notice de l’œuvre sur le site web du Musée du Louvre

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010060879

Une analyse du tableau sur le site web TableauxCélèbres.com

https://www.tableauxcelebres.com/oeuvres/peinture/le-jeune-mendiant.html

Glossaire

Siècle d’or espagnol : Période de rayonnement culturel de la monarchie catholique espagnole en Europe de 1492 à 1681.

Caravagisme : Courant artistique initié à Rome au début du XVIIe par Caravage, qui se caractérise principalement par des compositions sobres, clairement structurées, une représentation fidèle de la réalité et des effets de clair-obscur. On qualifie les peintres qui se rattachent à ce mouvement de « caravagesques ».

Roman picaresque : Genre littéraire né en Espagne au XVIe siècle. Un roman picaresque se compose d’un récit sur le mode autobiographique racontant l’histoire de héros miséreux, généralement des jeunes gens vivant en marge de la société et à ses dépens (les picaros).

Art baroque : (du mot portugais « barocco »qui désigne une perle irrégulière) : Style qui se développe au XVIIe siècle en Italie, puis dans de nombreux pays européens. Parlant plus aux sentiments qu’à la raison, il privilégie l’exubérance des formes, la représentation du mouvement et les effets de surprise. Il fait appel à tous les arts dans leur ensemble.

Rococo : Style né en France sous le règne de Louis XV, prenant son inspiration dans la nature (coquilles, feuilles, etc.), caractérisé par ses lignes sinueuses et ses couleurs vives. En se répandant en Italie et dans les pays germaniques, il prend le nom de rococo.