Héraklès tue les oiseaux du lac Stymphale Bourdelle Antoine

Héraklès tue les oiseaux du lac Stymphale

Métope de la façade du théâtre des Champs-Élysées sculptée par Antoine Bourdelle

Dimensions

H. : 248 cm ; L. : 247 cm ; Pr. : 123 cm

Provenance

Technique

Sculpture

Matériaux

Bronze doré

Datation

1923

Lieu de conservation

France, Paris, musée d’Orsay

En quoi le retour à l’antique peut-il être moderne ?

Originaire de Montauban, Antoine Bourdelle montre très jeune un talent pour le dessin. Dès l'âge de 13 ans, il travaille dans l'atelier de son père menuisier ébéniste et exécute ses premiers ouvrages sculptés en bois.

Formé à l'école des Beaux-Arts de Toulouse puis à celle de Paris, il intègre en 1884 l'atelier du sculpteur Alexandre Falguière, qu'il quitte deux ans plus tard.

Puis, s'éloignant de l'enseignement académique, il loue un modeste atelier impasse du Maine, devenu aujourd'hui le musée Bourdelle, et travaille aux côtés d'Auguste Rodin de 1893 à 1908.

À partir de 1900, Antoine Bourdelle se détache de l'esthétique de son maître et affirme son propre style. Il sculpte en 1909 Héraklès archer, qui témoigne de cette prise d'indépendance et devient son premier grand succès public.

La version de 1923 image principale, aujourd'hui conservée au musée d'Orsay, révèle l'excellence de l'artiste dans le registre du monumental.

Un modèle contemporain pour un sujet mythologique

Antoine Bourdelle puise ses sujets dans la mythologie gréco-romaine. Il représente ici l'un des Douze Travaux d'Héraklès, celui des oiseaux du lac Stymphale. Le mythe raconte comment le demi-dieu, mis à l'épreuve, débarrasse le lac de ces terribles rapaces aux plumes acérées qui se nourrissaient de chair humaine. Pour l'aider, la déesse Athéna lui confie des crotales, petits instruments de percussion en bronze qui, frappés l'un contre l'autre, provoquent l'envol des oiseaux affolés. Héraklès peut alors bander son arc de toutes ses forces et tuer ces monstres à l'aide de ses flèches.

Pour réaliser son œuvre, Antoine Bourdelle fait appel à un modèle rencontré lors des soirées données chez Auguste Rodin : le commandant André Doyen-Parigot. Celui-ci, militaire et grand sportif, possède un corps athlétique évoquant les puissants marbres antiques image 1. André Doyen-Parigot ne souhaitant pas être reconnu, le sculpteur modifie le visage de la sculpture image b : il lui prête des yeux en amande, un profil droit avec le nez dans le prolongement du front, et une chevelure courte et bouclée, à la manière des statues grecques masculines de la fin de la période archaïque.

De la commande d'un particulier à la commande d'État

Antoine Bourdelle réalise de nombreuses études pour aboutir à une première sculpture en plâtre achevée en 1909, aujourd'hui conservée au musée Ingres-Bourdelle à Montauban. Celle-ci est encore de petite taille, mais elle suscite l'admiration du financier Gabriel Thomas lorsqu'il visite l'atelier du sculpteur. Cet amateur d'art commande à Antoine Bourdelle une grande version en bronze pour le jardin de sa maison de Meudon, et exige l'exclusivité de la sculpture, c'est-à-dire qu'elle ne pourra pas être reproduite.

Antoine Bourdelle réalise un nouveau plâtre aux dimensions monumentales. L'œuvre, fondue par Eugène Rudier, est présentée au Salon de 1910 où elle fait sensation. image 3. Très sollicité, le sculpteur se voit contraint de refuser des ventes. Aussi le commanditaire accepte-t-il de mettre fin à l'exclusivité.

La version de 1910 est finalement éditée en dix exemplaires.

En 1923, l'État commande une deuxième version monumentale pour le musée du Luxembourg, où sont alors exposées les œuvres des artistes contemporains. Si la figure d'Héraklès est identique à celle de la version précédente, le rocher est cependant modifié et complété de deux petits bas-reliefs : l'un représente l'hydre de Lerne et l'autre le lion de Némée. L'artiste transforme légèrement la base, et son monogramme, conçu en 1921, y apparaît image d. Héraklès archer entre ainsi dans les collections du musée du Luxembourg en 1926. L'œuvre est aujourd'hui conservée au musée d'Orsay, et le plâtre original au musée Bourdelle.

Une esthétique moderne

Cette sculpture, qui met en scène la lutte du héros avec les monstres, révèle l'émancipation d'Antoine Bourdelle par rapport à l'enseignement de son maître Auguste Rodin.

En effet, l'artiste est dans une recherche de simplification : il supprime tout pittoresque et s'attarde peu sur les détails. Le visage aux pommettes saillantes dénote une volonté de synthèse. Nul besoin de représenter le carquois, la corde tendue de l'arc ou la flèche.

Avec rigueur, Antoine Bourdelle travaille les formes et l'équilibre en gardant à l'esprit les modèles antiques dont il s'inspire image 1. Héraklès est en effet arc-bouté au-dessus du vide dans une attitude savamment calculée image 2. Le sculpteur oppose les membres gauches et droits image c : le héros tend les premiers en avant, brandissant son arc et prenant appui sur le rocher dans un geste de tension extrême, et plie les seconds, semblant ainsi puiser sa force au fond de son être.

De cette tension résulte un équilibre harmonieux. La corde de l'arc, non représentée, semble presque apparaître, comme soulignée.

Pour Antoine Bourdelle, « la sculpture, ce sont des émotions qui déplacent des nombres » et s'il étudie la sculpture antique c'est au sens de l'architecture.

Antoine Bourdelle aura l'occasion d'accomplir cette union entre sculpture et architecture qu'il appelle de ses vœux. En 1910, Gabriel Thomas, alors promoteur du théâtre des Champs-Élysées, l'appelle sur le chantier du bâtiment : il fait participer le sculpteur à la décoration de l'intérieur et de l'extérieur de l'édifice image 4, ainsi qu'à son architecture aux côtés d'Auguste Perret.

Héraklès archer connaît un succès international et fait d'Antoine Bourdelle l'un des précurseurs de la sculpture monumentale moderne. Il forme de nombreux élèves, dont Germaine Richier et Alberto Giacometti. Quelques années après son décès, son épouse fera don de son atelier à la Ville de Paris il deviendra le musée Bourdelle dès 1949.

Véronique Duprat-Roumier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/herakles-tue-les-oiseaux-du-lac-stymphale

Publié le 29/07/2020

Ressources

La notice de l’œuvre (première version) sur le site du musée Bourdelle

http://www.bourdelle.paris.fr/fr/oeuvre/herakles-archer

La notice du plâtre patiné conservé au musée Ingres-Bourdelle (Montauban) sur le site Musées Occitanie

https://musees-occitanie.fr/musees/musee-ingres/collections/la-sculpture-du-xixe-siecle/emile-antoine-bourdelle/herakles-archer

La notice du plâtre sur le site du musée d’Art moderne André-Malraux au Havre

http://www.muma-lehavre.fr/fr/collections/oeuvres-commentees/sculpture/bourdelle-heracles-archer

Glossaire

Salon : Au XVIIIe siècle les expositions des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture se tenaient dans le Salon carré du Louvre. Le terme « Salon » désigne par la suite toutes les expositions régulières organisées par l’Académie.

Période archaïque : Période qui s’étend de 620 à 480 av. J.-C. et qui connaît un grand développement artistique dans le monde grec, avec l’apparition de l’architecture de pierre et de son décor sculpté, l’essor de la grande statuaire de marbre et l’apogée de la céramique peinte, d’abord à figures noires, puis à figures rouges.

Héraclès : Héros grec, fils du dieu Zeus et de la mortelle Alcmène, appelé Hercule par les Romains. Il est surtout connu pour sa force surhumaine et ses Douze Travaux : combat contre le lion de Némée, combat contre l’hydre de Lerne, capture du sanglier d’Érymanthe, capture de la biche de Cérynie, élimination des oiseaux du lac Stymphale, nettoyage des écuries d’Augias, capture du taureau de Crète, capture des juments de Diomède, prise de la ceinture de la reine des Amazones, capture des bœufs de Géryon, récolte des pommes d’or des Hespérides, capture de Cerbère.