Stèle funéraire de Philis

Stèle funéraire de Philis, fille de Cléomédès

Procession de la fête des Grandes Panathénées : ordonnateurs et ergastines

Auteur

Dimensions

H. 153 cm ; L. 91 cm

Provenance

Grèce, île de Thasos

Technique

Bas-relief

Matériaux

Marbre blanc

Datation

Vers 450-440 av. J.-C.

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

En quoi cette stèle funéraire est-elle une œuvre de transition entre le style sévère et l’épanouissement du classicisme ? Quel rapport entretient l’art athénien avec les autres écoles grecques de sculpture ?

Cette stèle [ image principale ] a été retrouvée vers 1862, brisée en plusieurs fragments, sur l'île grecque de Thasos. Sculptée dans le marbre local, elle représente la défunte, dont le nom est inscrit sur le bandeau supérieur : Philis, fille de Cléomédès [ détail b ]. Contemporaine du Parthénon, la stèle pose la question de l'influence du classicisme athénien sur les autres régions du monde grec.

Comment se présente une stèle funéraire ? À quoi sert-elle ?

Dans l'Antiquité grecque, une stèle funéraire a pour fonction de marquer l'emplacement de la tombe, d'être le lieu des offrandes et du culte rendu au défunt, dont elle rappelle le souvenir par son nom et son image.

La stèle de Philis marque une étape importante dans l'évolution des stèles funéraires. Hautes et étroites à l'époque archaïque, au VIe siècle av. J.-C., elles étaient couronnées d'une figure protectrice de sphinge, remplacée à la fin du siècle par une palmette décorative. Le défunt était représenté debout, de profil, en relief ou simplement gravé et peint. Même si cette forme perdure jusqu'au milieu du Ve siècle, la plupart des stèles, désormais plus larges et quadrangulaires, adoptent la forme d'un petit temple (naïskos), encadré de pilastres et surmonté d'un fronton. L'élargissement du champ permet de représenter le défunt assis. Sur la stèle de Philis, le cadre architectural est réduit à un bandeau en saillie, mais un fronton, aujourd'hui disparu, constituait probablement la partie supérieure.

Cette évolution se poursuit au IVe siècle av. J.-C. avec des stèles dont la largeur permet d'accueillir de véritables groupes familiaux sculptés en haut relief [ image 1 ]. Une poignée de main unit souvent le défunt et un membre de sa famille encore vivant, signe de l'adieu mais aussi du lien qui persiste au-delà de la mort. L'expression de la douleur reste très discrète et le défunt est toujours représenté vivant, ce qui le rend parfois difficile à identifier.

Une image sereine et idéalisée de Philis

La jeune femme est assise sur un siège sans dossier ni accoudoir ses pieds chaussés de sandales reposent sur un tabouret à pattes de lion. Les lanières étaient sans doute rendues par la peinture, mais les couleurs qui rehaussaient la stèle se sont effacées avec le temps. Philis est vêtue d'un chiton, une tunique en lin finement plissée dont les manches mi-longues sont fermées par de petites fibules ou agrafes. Par-dessus, elle a drapé un himation ou manteau de laine, dont les plis plus épais que ceux de la tunique enveloppent souplement son dos et ses jambes. Elle tient dans sa main gauche un coffret dont elle sort un objet qui ressemble à une bandelette de tissu ou un rouleau de papyrus. Un bracelet orne son poignet droit. Son visage [ détail c ] grave, au nez droit, au menton arrondi, est légèrement incliné. Ses cheveux sont entourés d'un bandeau (le cécryphale) ou d'un bonnet qui, détail assez rare, laisse passer plusieurs mèches à l'arrière de la tête.

Cette image, malgré son aspect naturel et sa grande précision, ne peut être considérée comme un portrait, une notion peu développée par l'art classique du Ve siècle av. J.-C. Il s'agit d'une représentation idéalisée de Philis dans sa maison, qui met l'accent sur ses vertus domestiques. En effet, les stèles funéraires renvoient à la fonction du défunt dans la société : domestique et familiale pour les femmes, citoyenne et guerrière pour les hommes [ image 2 ] quelquefois, des artisans sont représentés au travail [ image 3 ]. Le geste de prendre un objet (sans doute de parure) dans une boîte est fréquent sur les stèles funéraires féminines, mais se réfère sans doute davantage à la vie quotidienne qu'au monde de l'au-delà, rarement représenté dans l'art grec. De même les circonstances de la mort ne sont pas précisées. Cette indétermination de l'image a rendu possible la réutilisation des stèles funéraires, en y inscrivant un nouveau nom.

Une œuvre insulaire sous influence parthénonienne ?

La stèle de Philis présente bien des aspects stylistiques qui la rapprochent du Parthénon, en particulier de la frise des Panathénées, sculptée vers 440 av. J.-C. [ image 4 ] : l'attitude naturelle de la défunte, la précision dans le traitement de ses vêtements, la sérénité de son visage aux traits fermement dessinés et au profil très droit. Comme au Parthénon, mais de façon moins satisfaisante, le sculpteur a tenté de rendre en perspective certains détails pour donner de la profondeur au relief ainsi, le coffret que tient Philis est représenté de trois quarts, de même que la poitrine de la jeune femme, alors qu'elle est figurée de profil.

Malgré tout, certains éléments stylistiques ne se retrouvent pas dans l'art classique athénien et semblent relever du style sévère : la silhouette massive et peu détachée du fond, les boucles de cheveux autour du visage enroulées « en coquilles » décoratives et très plates, les paupières épaisses et la moue boudeuse. Quant aux cheveux qui dépassent à l'arrière de la tête, ils ne correspondent pas à la mode athénienne. En effet, la stèle vient de Thasos, une île située au nord de la mer Égée. Elle est alors prospère et possède une riche tradition dans la sculpture de marbre. Elle passe sous la domination d'Athènes en 463 av. J.-C. Les sculpteurs thasiens, influencés par le style classique élaboré au Parthénon, interprètent-ils les modèles athéniens en y introduisant certains éléments stylistiques locaux ? Ou ne pourrait-on imaginer l'influence contraire, le chantier du Parthénon attirant de nombreux sculpteurs insulaires qui participent à l'élaboration du style classique ? Cela expliquerait le style éclectique de la stèle de Philis et les problèmes de datation qu'elle pose.

Françoise Besson

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/stele-funeraire-de-philis

Publié le 10/06/2015

Ressources

Un article sur l’histoire de Thasos

http://fr.wikipedia.org/wiki/Thasos_(%C3%AEle)

Un article sur les femmes dans la Grèce antique

http://www.memo.fr/article.asp?ID=ANT_GRE_014

Glossaire

Fronton : Élément architectural, de forme généralement triangulaire, qui couronne un édifice ou une de ses parties.

Période classique : Période englobant les Ve et IVe siècles av. J.-C., qui voit naître en Grèce des innovations décisives dans les arts. En sculpture, de grands artistes comme Polyclète, Praxitèle ou Lysippe travaillent sur la représentation du corps en mouvement dans l’espace. Leurs œuvres seront des modèles suivis durant la période hellénistique et dans l’art romain.

Héros : Dans la Grèce antique, personnage le plus souvent issu de l’union d’une divinité et d’un mortel auquel on prête des aventures exceptionnelles. Associé à la vie locale, un culte est rendu sur son tombeau.

Période archaïque : Période qui s’étend de 620 à 480 av. J.-C. et qui connaît un grand développement artistique dans le monde grec, avec l’apparition de l’architecture de pierre et de son décor sculpté, l’essor de la grande statuaire de marbre et l’apogée de la céramique peinte, d’abord à figures noires, puis à figures rouges.

Pilastre : Élément architectural engagé dans un mur. Il a toutes les caractéristiques de la colonne (chapiteau, fût, base), sans en avoir la fonction porteuse.

Sphinge : (ou sphinx) Figure de la mythologie grecque, représentée comme une femme ailée à corps de lionne. À Thèbes, le héros Œdipe fut le seul à résoudre l’énigme qu’elle posait aux passants et elle se tua. Elle est liée au monde des morts et considérée comme une gardienne de la tombe.

Style sévère :  Premier style de la période classique, il se développe de 480 à 450 av. J-C. en se libérant  des conventions de l’archaïsme. Il se caractérise par l’expression impassible des visages qui lui a donné son nom.