Ophélie Préault Auguste

Ophélie

Place Joachim-Du-Bellay à Paris

Dimensions

H. : 200 cm ; L. : 75 cm ; Pr. : 20 cm

Provenance

Technique

Sculpture

Matériaux

Bronze

Datation

1842 - Fonte : 1876

Lieu de conservation

France, Paris, musée d’Orsay

Comment exprimer l’émotion en sculpture ?

Auguste Préault naît en 1809 à Paris, dans une famille modeste. Passionné de dessin, il décide de se tourner vers une carrière artistique, mais échoue plusieurs fois au concours d'entrée de l'École des beaux-arts. Il se forme alors dans l'atelier des sculpteurs romantiques David d'Angers (1788-1856) et Antonin Moine (1796-1849).

En 1833, Préault expose au Salon pour la première fois. Mais, très vite, il acquiert une réputation de provocateur, tant la modernité de ses œuvres heurte le jury. En effet, contrairement aux préconisations académiques qui recommandent la conformité avec une beauté idéale inspirée de l'antique, Préault n'hésite pas à proposer au Salon des œuvres au réalisme violent et à la facture inachevée image 1. De ce fait, durant de nombreuses années, il se trouve exclu des commandes officielles.

Artiste maudit, sans-le-sou, il peine à travailler les matériaux nobles (marbre et bronze) et détruit lui-même nombre de ses œuvres. Ophélie image principale, relief fondu en 1876 d'après le plâtre réalisé en 1842, témoigne du début de reconnaissance tardivement accordé au sculpteur.

Un sujet emprunté à Shakespeare

Le sujet est emprunté à Hamlet, une pièce de théâtre de William Shakespeare. Dans cette tragédie, Ophélie, jeune fille aimée et amoureuse d'Hamlet, se trouve soudainement délaissée par lui. L'assassinat accidentel de son père par Hamlet la fait basculer dans la folie et la pousse au suicide par noyade.

Ce sujet dramatique est caractéristique du courant romantique auquel appartient Préault. Les artistes s'écartent des histoires exemplaires des héros de l'Antiquité pour chercher leur inspiration dans la littérature du Moyen Âge et de la Renaissance notamment. Dans les œuvres de Dante ou celles de Shakespeare, ils trouvent des récits aptes à retranscrire les tourments de l'âme humaine.

Le thème d'Ophélie parcourt tout le siècle. Il inspire notamment le peintre romantique Eugène Delacroix image 2, auquel Préault voue une grande admiration. Dans le dernier tiers du XIXe siècle, les artistes symbolistes s'emparent du sujet, notamment Odilon Redon, qui le traite à maintes reprises dans une approche plus apaisée et spirituelle image 3.

L'influence de l'art funéraire

Préault présente son bas-relief comme un tableau, dans lequel le personnage d'Ophélie occupe la quasi-totalité de l'espace, animé par les lignes ondoyantes de la surface aquatique image principale. La jeune femme est représentée allongée, les yeux clos et la bouche entrouverte image b image d, flottant sur l'eau. Ici, tous les éléments se fondent entre eux : les effets de draperie mouillée des vêtements, les longs cheveux dénoués et les ondes de l'eau image c se mêlent, anéantissant toute raideur dans l'exécution de la figure et procurant le sentiment que le corps flottant est déjà englouti.

Cette composition évoque un monument funéraire, gisant ou transi image 4 , issu du Moyen Âge ou de la Renaissance. Ainsi, les effets de draperie mouillée rappellent ceux des nymphes de la fontaine des Innocents image 5 du sculpteur de la Renaissance française Jean Goujon, tandis que la technique du relief en bronze évoque la plaque funéraire d'André Blondel de Rocquencourt du même artiste.

Le bronze, matériau expressif par excellence

C'est en bronze que Préault fait réaliser Ophélie, d'après le plâtre qu'il a élaboré des années plus tôt. En effet, ce matériau convient parfaitement à l'expression du romantisme en sculpture : mieux que le marbre, il permet d'inscrire les frémissements dans la matière, de se jouer des effets d'ombre et de lumière, de flou, d'indéfini et d'inachevé, conférant une tonalité fantastique à l'œuvre de Préault.

Les propriétés du bronze permettent de traduire l'émotion propre aux œuvres du courant romantique, que Charles Baudelaire, grand admirateur du sculpteur, définit comme la « manière de sentir ».

Une reconnaissance tardive

L'aspect esquissé des œuvres de Préault déroute les spectateurs et lui sera reproché de manière récurrente. Néanmoins, e

n présentant son Ophélie en bronze au Salon de 1876, le sculpteur est enfin reconnu par une partie de la critique. Il décède trois ans plus tard son travail tombe dans l'oubli, avant d'être redécouvert dans les années 1980.

Préault est aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands sculpteurs romantiques. Par son goût pour l'expressivité et l'inachevé, il apparaît comme le trait d'union entre Michel-Ange et Auguste Rodin, et annonce l'expressionnisme.

Véronique Duprat-Roumier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/ophelie

Publié le 12/05/2021

Ressources

La présentation de l’exposition Auguste Préault (1809-1879), sculpteur romantique, présentée au musée d’Orsay en 1997

https://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/expositions/aux-musees/presentation-generale/article/auguste-preault-1809-1879-sculpteur-romantique-4161.html?cHash=83ecfc54c8

Une étude sur la représentation d’Ophélie sur le site L’Histoire par l’image

https://histoire-image.org/de/etudes/representation-ophelie

Glossaire

Romantisme : Le mot est introduit dans la langue française par Rousseau à la fin du XVIIIe siècle. Il désigne par la suite un élan culturel qui traverse la littérature européenne au début du XIXe siècle, puis tous les arts. Rompant avec les règles classiques, la génération romantique explore toutes les émotions données par de nouveaux sujets, en privilégiant souvent la couleur et le mouvement.

Gisant : Figure en très fort relief représentant un défunt allongé. Le gisant placé sur un soubassement constitue la forme la plus fréquente des tombeaux du Moyen Âge, à partir du XIIIe siècle.

Transi : Variante du gisant apparue dans le dernier tiers du XIVe siècle et présentant le corps du défunt en état de décomposition.

Expressionnisme : Tendance artistique qui naît en Europe centrale à la fin du XIXe siècle et qui met à l’honneur la libre expression des passions et des formes, en réaction à l’académisme et à l’impressionnisme.

Salon : Au XVIIIe siècle les expositions des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture se tenaient dans le Salon carré du Louvre. Le terme « Salon » désigne par la suite toutes les expositions régulières organisées par l’Académie.

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