Precious Liquids Bourgeois Louise

Precious Liquids

Dimensions

H. : 427 cm ; D. : 442 cm

Provenance

Technique

Installation

Matériaux

Bois de cèdre, métal, verre, caoutchouc, tissu, broderies, eau, albâtre, électricité

Datation

1992

Lieu de conservation

France, Paris, Centre Pompidou, musée national d’Art moderne

Voici une installation, un lieu où on peut pénétrer : est-ce une partie de maison, un abri, un nouveau nid ?

Interrogeant ses peurs et ses traumas d'enfance, Louise Bourgeois a sur de nombreuses années développé un art personnel qui, peu à peu, en s'amplifiant, va intégrer les grandes remises en cause plastiques et sociales de son temps.

Louise Bourgeois se présente

« Je m'appelle Louise Joséphine Bourgeois. Je suis née le 25 décembre 1911 à Paris. Tout mon travail des cinquante dernières années, tous mes sujets, trouvent leur source dans mon enfance. Mon enfance n'a jamais perdu sa magie, elle n'a jamais perdu son mystère, ni son drame. »

L'univers artistique de Louise Bourgeois est un exorcisme, le temps y joue un rôle précieux. Française d'origine, elle se souvient de la ville de son enfance, Choisy-le-Roi, et de l'atelier de tapisserie qu'y tenaient ses parents. Dès l'âge de onze ans, elle y participe en dessinant les parties manquantes des pièces qu'ils restaurent. C'est un monde de fils, de pelotes et d'aiguilles. Au-delà, dans la maison familiale se joue un drame : face à la mère, la gouvernante anglaise des trois enfants est aussi la maîtresse du père. La petite Louise est blessée. Un sentiment de trahison l'accapare et la marque.

Diplômée du baccalauréat, la jeune fille s'inscrit d'abord à la Sorbonne puis aux Beaux-Arts. Déçue par l'enseignement académique, elle se tourne alors vers les ateliers de la Grande-Chaumière. L'un de ses professeurs, Fernand Léger, l'oriente vers la sculpture. En 1938, elle s'installe à New York, ville qui devient son lieu de résidence et de création et dont son mari – un historien d'art américain qu'elle a rencontré au Louvre – dirigera le musée des arts primitifs [ image 1 ].

Louise Bourgeois explique l'œuvre

Precious Liquids [ image principale ] est une œuvre de 1992. Elle fait partie des « Cellules » créées par l'artiste dans les années 90. Chaque « cellule » a trait à une peur. C'est tout un itinéraire suivi durant de nombreuses années sur le thème fondateur de la maison qui a amené Louise Bourgeois à cette construction. Ici, une chambre a été aménagée dans un ancien réservoir d'eau d'immeuble new-yorkais. Le cylindre de bois renferme maintenant un lit en fer forgé qui supporte des ballons de verre [ détail c ]. À l'entrée, une phrase gravée comme une sentence : « Art is a guaranty of sanity », « L'art est une garantie de santé mentale » [ détail b ]. Suspendu face au lit, un manteau d'homme recouvre la robe d'une fillette [ détail d ] et un coussin qui porte ces mots brodés « Merci-mercy ». C'est donc un lieu où féminin et masculin se rencontrent, où se confrontent bois et fer, cercle et carré, horizontal et vertical. C'est un lieu où les émotions de l'enfance, comme au sein d'une psychanalyse, se rejouent et se dénouent.

Conçue comme une pièce de théâtre, l'installation est élaborée autour d'un scénario. Voici celui mis en scène par Louise Bourgeois, expliqué par l'artiste elle même : « Precious Liquids se rapporte à une fille qui grandit et trouve la passion au lieu de la terreur. Elle cesse d'être effrayée et connaît la passion. Le verre devient métaphore pour les muscles du corps ; représentation des émotions, du mécanisme de l'instabilité. Quand les muscles se relâchent et que la tension redescend un liquide est sécrété. Les émotions internes deviennent physiquement liquides, déclenchent la sécrétion d'une substance précieuse. Ainsi quand vous vous autorisez à pleurer les larmes indiquent la fin de la souffrance ou quand la transpiration vous vient dans le dos à cause de l'appréhension dans laquelle vous êtes cela indique le contrôle et la résolution de la peur. La sécrétion de liquide peut être intensément agréable. » Ainsi, l'œuvre interroge l'enfance, la femme et la sexualité.

Louise Bourgeois, figure majeure de l'art contemporain

« Il faut abandonner son passé tous les jours, ou bien l'accepter, et si on n'y arrive pas, on devient sculpteur. » Parce qu'elle interroge sans cesse ce passé, le fait revivre dès les premières créations en personnages de bois évoquant ceux qui lui manquent, reconstruisant la maison, le nid dans de multiples œuvres, réinterprétant sa mère fileuse et protectrice sous la forme d'une gigantesque araignée, Louise Bourgeois atteint le spectateur dans ce qu'il a de plus intime, son propre passé. Tous les matériaux sont utilisés : bois, fer, verre, tissu, caoutchouc... Sa longévité, son ardeur au travail, lui permettent au fil des décennies d'organiser et d'amplifier ses recherches à la fois émotionnelles et plastiques ; son humour lui apporte connivence avec le public et reconnaissance. Elle traite de la douleur et du plaisir, de la peur, de la sexualité, de la mort. Parce que le point de départ de son œuvre est son enfance et qu'elle nous en parle, elle se trouve totalement engagée. Elle est devenue celle qui montre et révèle les parts inconscientes. Par son œuvre, elle confronte l'autre à lui-même. Le travail de Louise Bourgeois va donner des références esthétiques à la psychanalyse et au féminisme, et s'inscrit dans l'histoire du XXe siècle, où il tient une place majeure.

Véronique Duprat-Roumier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/precious-liquids

Publié le 23/04/2015

Ressources

MNAM, Paris, centre Pompidou

https://www.centrepompidou.fr/

Museum of modern art New York

https://www.moma.org/

Glossaire

Art abstrait : Expression artistique, née au début du XXe siècle, qui ne met pas en jeu la représentation du réel. Kandinsky (1866-1944) est un artiste pionnier de cette nouvelle tendance en peinture. Plusieurs courants d’art abstrait se succèdent ou coexistent jusqu’à nos jours.