Portrait en pied de la marquise de Pompadour La Tour Maurice-Quentin de

Portrait en pied de la marquise de Pompadour

Copie d'après un original de Louis Tocqué de 1740

Dimensions

H. : 175 cm ; L. : 128 cm

Provenance

Technique

Dessin

Matériaux

Pastel

Datation

1749-1755

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Madame de Pompadour, favorite royale et protectrice des arts.

Née Jeanne-Antoinette Poisson en 1721, Madame de Pompadour reçut une éducation de premier ordre grâce à son beau-père, le fermier général Lenormant de Tournehem [ image 1 ]. Il lui fit donner les meilleurs maîtres, puis il la maria à son neveu, Charles-Guillaume Lenormant d'Étioles, ce qui permit à la jeune femme d'acquérir noblesse et fortune. Sa nature enjouée et ses dons personnels lui ouvrirent les portes de la meilleure société, celle de la grande bourgeoisie parisienne, cultivée et ouverte aux idées modernes. C'est probablement dans les « salons d'esprit » qu'elle rencontra ceux qui allaient devenir ses amis et protégés, tels Voltaire et Montesquieu.

Ce même milieu arrangea sa rencontre avec Louis XV en 1745. Le roi fit d'elle sa favorite et lui accorda le titre de marquise de Pompadour. Étrangère au monde fermé de la cour, elle n'y fut jamais acceptée en raison de ses origines roturières. C'est par le biais des arts qu'elle prit le parti de distraire le roi et de s'imposer.

Maurice Quentin de La Tour et la technique du pastel : l'art de saisir l'insaisissable

Madame de Pompadour choisit La Tour pour mettre en image sa personnalité et ses goûts, car il était alors le portraitiste le plus doué et le mieux à même de saisir la ressemblance d'un modèle. Ils s'étaient probablement rencontrés chez le président de Rieux, dont le portrait monumental au pastel réalisé par La Tour en 1742 avait fortement impressionné Madame d'Étioles. D'autre part, La Tour travaillait régulièrement pour la famille royale [ image 2 ] [ image 3 ] [ image 4 ].

Formé chez Claude Dupouch [ image 5 ], il avait d'abord pratiqué la peinture à l'huile avant de se lancer comme portraitiste de la haute société. On ignore quand il abandonna la peinture pour le pastel l'art du portrait et la possibilité de travailler plus vite avec cette technique lui garantissaient des revenus faciles.

Le pastel connaissait alors un engouement sans précédent. Apparu en France au XVe siècle, ses possibilités avaient été révélées au milieu artistique parisien lors du séjour d'une jeune artiste vénitienne, Rosalba Carriera, en 1721. La Tour réalisa d'ailleurs deux copies de ses œuvres au pastel, à la touche légère et vaporeuse [ image 6 ] [ image 7 ] [ image 8 ]. Il devint le grand virtuose de cette technique au milieu du siècle, en utilisant la légèreté de ce médium pour traduire la spontanéité, la vie, le mouvement, dans ce que l'on appelait alors les portraits au naturel.

La commande du portrait de Madame de Pompadour fut vraisemblablement passée par la marquise en 1749, mais il ne fut achevé qu'en 1755. Selon son habitude, La Tour réalisa plusieurs « préparations » en peignant au pastel le visage de son modèle saisi sur le vif [ image 9 ] [ image 10 ] [ image 11 ], commençant par les traits de contour, puis procédant au modelé avec des touches plus ou moins fondues et des hachures. C'est probablement la dernière de ces préparations, jugée satisfaisante, qui est reprise dans la composition finale, un ensemble d'au moins huit feuilles de papier bleu collées sur une toile.

Un portrait-programme ambitieux et courageux

Il s'agissait pour la marquise de répondre aux attaques dont elle faisait l'objet. Appelés poissonnades, ces pamphlets injurieux à son égard circulaient à Paris et à la cour, lui reprochant ses origines modestes, ses manières et ses dépenses.

Représentée assise dans un cabinet intérieur, elle feuillette un cahier de musique, le visage tourné vers la droite et le regard perdu dans ses pensées [ image principale ]. La Tour exprime à la fois la permanence de sa pratique musicale – elle avait appris le chant avec le célèbre Jélyotte [ image 12 ] et possédait une jolie voix – et un instant bref, saisi sur le vif.

Derrière elle est représentée une nature morte qui énumère les disciplines qu'elle pratique ou qu'elle soutient : une guitare baroque, six livres de sa bibliothèque, un globe terrestre, un manuel de gravure et, à ses pieds, un carton à dessin portant ses armes. Si la présence du globe rappelle qu'elle partageait le goût de Louis XV pour la géographie, le premier livre, le Pastor fido de Gian Battista Guarini (1590) célèbre la découverte de la chasse, un des grands plaisirs du roi, par le héros de l'histoire. Les autres ouvrages semblent en revanche adresser à ce dernier matière à réflexion sur l'exercice du pouvoir. La Henriade de Voltaire (1728) célèbre un monarque éclairé et prône la tolérance religieuse. De l'esprit des lois de Montesquieu (1748) développe la théorie de la séparation des pouvoirs et avait été interdit par la Sorbonne et mis à l'Index par l'Église en 1751. Quant au tome IV de l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert, il venait tout juste de paraître après deux années d'interdiction. La marquise, prudente, s'était bien gardée de prendre parti dans ces affaires, mais il est frappant de la voir poser à côté de ces ouvrages.

Un portrait d'un genre nouveau

Désireuse de rompre avec les traditionnels portraits d'apparat [ image 13 ], Madame de Pompadour choisit de poser dans un lieu intime, vêtue d'une robe à la française, habit porté à la cour en dehors des cérémonies officielles et dont le raffinement et la splendeur traduisent l'élégance de la marquise. D'autre part, l'absence de bijou, éloquente, est une réponse aux attaques qui lui sont adressées au sujet de ses dépenses et de sa prétendue frivolité. Monumental par son format, ambitieux par son programme et intime à la fois, ce portrait s'inscrit dans une des nouvelles catégories qui se développent au XVIIIe siècle, celle des portraits de femmes d'esprit.

Présenté au Salon de 1755 à la place d'honneur, le chef-d'œuvre de La Tour reçut des louanges presque unanimes. Il ne changea certes pas les opinions de Louis XV, pas plus qu'il ne put éteindre les critiques sur sa favorite, mais il laisse à l'histoire l'image d'une femme intelligente, au goût sûr, et dont les vues politiques et artistiques étaient en avance sur leur temps.

Stéphanie Elhouti-Cabanne

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/portrait-en-pied-de-la-marquise-de-pompadour

Publié le 17/03/2015

Glossaire

Pastel : Bâtonnet composé de poudres colorées, de gomme arabique servant de liant et d’une terre destinée à donner de la consistance à la préparation. Désigne par extension une technique et son résultat. Le pastel est devenu à la mode au XVIIIe siècle

Héros : Dans la Grèce antique, personnage le plus souvent issu de l’union d’une divinité et d’un mortel auquel on prête des aventures exceptionnelles. Associé à la vie locale, un culte est rendu sur son tombeau.

Salon : Au XVIIIe siècle les expositions des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture se tenaient dans le Salon carré du Louvre. Le terme « Salon » désigne par la suite toutes les expositions régulières organisées par l’Académie.