La Maison du pendu, Auvers-sur-Oise Cézanne Paul

La Maison du pendu, Auvers-sur-Oise

Auteur

Dimensions

H. : 55,5 cm ; L. : 66,3

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1873

Lieu de conservation

France, Paris, musée d’Orsay

Une œuvre impressionniste ?

La Maison du pendu, Auvers-sur-Oise [ image principale ] figure parmi les trois toiles que Cézanne présente à la première exposition impressionniste organisée en 1874 chez le photographe Nadar, boulevard des Capucines à Paris. Comme les autres, l'œuvre est alors raillée par le critique d'art Maurice Leroy à qui l'on doit le terme « impressionnisme ». Mais s'agit-il vraiment d'une œuvre impressionniste ? Ce tableau n'annonce-t-il pas déjà, dans son approche de l'espace et de la perspective, ce qui fera la singularité de Cézanne ?

Cézanne et Pissarro à Auvers-sur-Oise

Pour beaucoup, Auvers-sur-Oise rime avec Van Gogh. Mais c'est aussi un village qui évoque une amitié et une complicité artistique hors du commun : celle qui unit Cézanne et Pissarro.

En août 1872, Cézanne rejoint Pissarro à Pontoise, puis l'accompagne à Auvers-sur-Oise où il séjourne pendant plus d'un an. Il y fait la connaissance du docteur Gachet. Ce médecin homéopathe, qui fréquente le groupe des Batignolles et les réunions du café Guerbois, est aussi peintre et graveur. Il aménage un atelier dans sa maison d'Auvers-sur-Oise et ouvre les portes de cette demeure insolite à ses amis artistes. Beaucoup s'y rencontrent ou s'y retrouvent dans une atmosphère amicale d'échange et de partage. C'est d'ailleurs aux côtés du docteur Gachet que Cézanne s'essaie à la gravure.

Au contact de l'impressionnisme

Pissarro fait découvrir à Cézanne la peinture de plein air [ image 1 ]. Dans la campagne, les deux amis peignent côte à côte, partageant leur expérience et leur quête de « la sensation ». Ensemble, ils cherchent à traduire leur perception de la nature en peinture. Dans sa correspondance, Lucien Pissarro évoque l'amitié entre son père et Cézanne en ces termes : « Dire lequel a influencé l'autre est impossible. Tout ce que je puis dire c'est que Cézanne a emprunté un tableau peint par Papa en 1870 pour le copier, sans doute pour se rendre compte de certaines théories. » Quoi qu'il en soit, c'est à cette époque que Cézanne abandonne la façon de peindre de sa « période couillarde », caractérisée par de longs aplats de couleur épais et sombres [ image 2 ], au profit d'une touche plus fragmentée et plus légère, et d'une palette plus claire. Il s'attache alors à rendre les nuances de la nature par un travail minutieux sur la couleur.

L'espace autrement

Dans La Maison du pendu [ image principale ], rien ne vient animer le paysage : aucune présence humaine, pas le moindre souffle de vent. L'œuvre y gagne une sorte d'intemporalité, à l'inverse de celles impressionnistes qui semblent saisir au vol l'arrivée d'un train en gare [ image 3 ] ou la danse d'un couple au milieu de la foule d'un cabaret. Si la couleur et la touche sont impressionnistes (ou s'apparentent à l'impressionnisme), elles sont comme architecturées par une construction qui repose sur l'opposition des masses combinée à un jeu sur les formes géométriques (notamment le triangle). Défiant les lois académiques de la perspective, Cézanne travaille la profondeur du paysage par un savant jeu de lignes et de rapports de force [ détail b ].

L'espace est organisé autour d'un point central d'où partent un sentier qui monte vers la gauche, une route qui descend au centre du tableau et un talus qui dessine une ligne légèrement courbe sur la droite. Les toits des maisons ou le mur qui soutient le talus à droite dessinent des triangles qui définissent des volumes. Ces formes géométriques imbriquées les unes dans les autres donnent un aspect massif et immuable à ce paysage. Car les masses se contrebalancent l'une l'autre : la maison au toit de chaume sur la droite équilibre ainsi la maison du pendu à gauche au deuxième plan. Le peintre organise ainsi des plans et donne de la profondeur au paysage malgré l'absence de point de fuite.

Cette œuvre emblématique de la période impressionniste de Cézanne annonce ses futures innovations picturales, car le maître d'Aix se détachera rapidement de la touche impressionniste pour explorer une conception de l'espace fondée sur les formes géométriques et les oppositions de plans colorés.

Une œuvre reconnue du vivant de l'artiste

En dépit de son titre (la légende voudrait qu'un homme se soit suicidé dans cette maison), cette toile porta chance à Cézanne puisqu'elle fut achetée lors de sa première exposition chez Nadar par un amateur d'art, le comte Doria. Par la suite, elle entra dans la prestigieuse collection de Victor Chocquet, un des premiers et fidèles admirateurs de Cézanne. Isaac de Camondo l'acquit enfin avant d'en faire don au musée du Louvre lors du legs de sa collection en 1911.

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Marguerite Moquet

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/la-maison-du-pendu-auvers-sur-oise

Publié le 17/11/2011

Glossaire

Impressionnisme : Courant artistique regroupant l’ensemble des artistes indépendants qui ont exposé collectivement entre 1874 et 1886. Le terme a été lancé par un critique pour tourner en dérision le tableau de Monet Impression soleil levant (1872). Les impressionnistes privilégient les sujets tirés de la vie moderne et la peinture de plein air.

Groupe des Batignolles : Groupe de jeunes artistes qui se réunissaient dans l’atelier de Manet, situé au début des années 1870 dans le quartier des Batignolles à Paris. En faisaient partie notamment Bazille, Fantin-Latour, Sisley, Monet, Renoir…

Perspective : Technique qui permet de représenter l’espace et les objets avec de la profondeur et des volumes sur une surface plane pour donner l’illusion de la troisième dimension.

Café Guerbois : Café, situé dans l’actuelle avenue de Clichy, que fréquentait le groupe des Batignolles à l’aube de l’impressionnisme.

Touche : La touche désigne la matière picturale appliquée d’un seul coup de pinceau sur le support. Le terme peut également désigner plus largement la manière dont le peintre travaille.

Palette : La palette est la petite planche sur laquelle l’artiste dispose et mélange ses couleurs. Le terme désigne aussi l’ensemble des couleurs qu’il choisit pour une œuvre.

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