Torse féminin du type de l’Aphrodite de Cnide Praxitèle (d'après)

Torse féminin du type de l’Aphrodite de Cnide

Dimensions

H. 122 cm

Provenance

Technique

Sculpture

Matériaux

Marbre blanc

Datation

Époque romaine impériale (IIe siècle apr. J.-C. [?])

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Pourquoi cette statue féminine était-elle la plus célèbre de l’Antiquité ?

Cette sculpture fragmentaire image principale image b est une copie romaine de l'Aphrodite de Cnide, une sculpture grecque très célèbre dans l'Antiquité. L'œuvre originale a été réalisée par Praxitèle vers 360 av. J.-C. et a été sculptée dans du marbre de Paros.

Dans l'Antiquité grecque et romaine, l'Aphrodite de Cnide fait partie des deux statues les plus admirées avec le Zeus d'Olympie, œuvre chryséléphantine du sculpteur Phidias, considérée comme l'une des Sept Merveilles du monde.

Une statue d'une grande beauté

Au Ier siècle apr. J.-C., soit quatre cents ans après sa création, Pline l'Ancien écrit dans ses Histoires naturelles que l'Aphrodite de Cnide surpasse toutes les œuvres « de la terre entière ». Il rapporte la célèbre histoire selon laquelle Praxitèle avait sculpté deux statues d'Aphrodite, l'une vêtue et l'autre nue, pour les villes de Cos et de Cnide. Les habitants de Cos choisirent la déesse vêtue, les habitants de Cnide celle qui était nue.

La statue nue fit pour des siècles la renommée de Cnide. Cette première représentation d'un nu féminin de taille humaine attira en effet nombre de voyageurs tout au long de l'Antiquité. Parmi eux, trois amis que met en scène le Pseudo-Lucien dans Les Amours : il raconte que l'un d'eux tomba amoureux de la sculpture, au point de se laisser enfermer dans le monument où elle était exposée afin de passer la nuit avec elle.

Cette attraction tenait en grande partie à la beauté de l'Aphrodite de Cnide, que l'auteur Athénée disait inspirée du corps de la belle Phrynè, la compagne de Praxitèle.

Enquête sur une statue disparue

L'Aphrodite de Cnide connut un tel succès qu'elle fut sans cesse copiée et recopiée durant sept siècles, dès sa création, puis tout au long de l'Empire romain : pas moins de deux cents copies de différentes tailles et matières sont recensées à ce jour.

Mais, comme la plupart des statues grecques les plus célèbres, la sculpture de Praxitèle a aujourd'hui disparu elle semble avoir été détruite dans un incendie à la fin de l'Antiquité.

Pour étudier l'œuvre originale, il faut donc analyser les témoignages écrits, rarement contemporains, les copies plus ou moins fidèles, fragments, statuettes en bronze, en terre cuite… Le travail des historiens de l'art se fonde sur une discipline qu'ils nomment la « critique des copies » : ils tentent, à travers tous ces éléments, d'avoir l'idée la plus juste possible de l'œuvre originale. Les conclusions restent toutefois souvent incertaines.

L'invention de la nudité féminine

Toutefois à partir de ces éléments, une analyse globale de l'œuvre originale est possible.

La grande nouveauté de cette image de la déesse était la nudité. En effet, si le corps masculin nu est représenté dès le début de la sculpture grecque, le corps féminin ne se dévoile qu'à la fin du Vè siècle av. J.-C. dans la grande statuaire les effets de draperies mouillées image 1témoignent alors d'un regard nouveau porté sur la sensualité féminine.

Pour sculpter le corps d'Aphrodite, Praxitèle avait choisi le marbre, qu'il devait considérer comme mieux adapté au traitement du modelé des chairs.

Il faut imaginer cette sculpture polychrome. Les auteurs de l'antiquité nous apprennent en effet que la statue avait été peinte par le célèbre Nicias, admiré pour le rendu illusionniste des ombres et des lumières.

Une des copies romaines les mieux conservées, dite la Vénus du Belvédère image 2, montre la déesse nue, debout, la tête légèrement tournée vers sa gauche, la main droite devant son sexe, la gauche prenant – ou déposant – une draperie sur le vase posé à côté d'elle.

La pondération est classique : l'appui sur la jambe droite et le relâchement de la jambe gauche entraînent une inclinaison du bassin qui se répercute selon un rythme croisé dans la position des épaules. Si cette attitude rappelle les créations athlétiques de Polyclète, les cuisses doucement rapprochées et le dos légèrement incliné en avant féminisent l'allure générale du corps qui s'offre au regard du spectateur. Cette construction est bien lisible sur le torse fragmentaire du musée du Louvre il révèle mieux encore le gonflement du triangle pubien image principale et, dans la vue de dos, l'inclinaison des épaules et la rondeur des hanches image b.

Quel était son visage ?

Si les auteurs de l'Antiquité vantaient la beauté du corps de l'Aphrodite de Cnide, ils n'étaient pas moins émerveillés par celle de son visage, « son léger sourire » (Pseudo-Lucien, Les Amours), « la douceur de son regard humide à l'éclat et à la bienveillance sans égale » (Lucien, Les Images).

Quel écho de cette forte impression les copies antiques nous livrent-elles ?

La même structure générale se retrouve invariablement dans toutes les copies : le triangle du front, les cheveux ondulés en bandeaux sur les tempes de part et d'autre d'une raie médiane, les yeux à la paupière inférieure s'effaçant dans la joue, la bouche petite aux lèvres légèrement entrouvertes.

Cependant, si certaines copies montrent un visage aux joues pleines image 4, d'autres offrent un dessin plus aigu image 5.

Quel est le sens de cette nudité ?

Malgré la présence de la draperie et du vase, l'Aphrodite de Cnide ne doit pas être considérée comme une simple déesse au bain. Tente-t-elle de dévoiler ou bien de cacher sa nudité ?

Les historiens de l'art ont voulu discerner plusieurs types, un type calme et un type inquiet dont l'évolution ultime serait l'Aphrodite pudique image 3, qui dissimule son corps au regard étranger.

Toutefois, les témoignages antiques s'accordent pour dire que l'Aphrodite de Cnide exprimait une grande sérénité. Aphrodite, déesse de la beauté, déesse de l'amour, est la déesse céleste, fille d'Ouranos, puissance primordiale, source de fécondité.

Praxitèle et la sculpture du IVe siècle av. J.-C.

La carrière de Praxitèle est difficile à retracer. Athénien, fils de sculpteur, père de sculpteur, il fait partie de la génération des créateurs du IVe siècle av. J.-C. qui renouvellent les grandes inventions plastiques du début du classicisme. Ainsi, outre l'introduction de la nudité féminine dans la grande statuaire, Praxitèle propose de nouvelles formules dans la représentation du corps féminin drapé image 6.

Par ailleurs, il privilégie le corps adolescent aux dépens du corps athlétique et confère une élégance sensuelle au nu masculin image 7.

Autant de nouveautés qui rencontreront un succès sans pareil auprès des collectionneurs romains et conduiront à la multiplication des copies ou des réinterprétations de ses œuvres. Nous savons, par exemple, que l'homme politique romain Cicéron collectionnait des « têtes praxitéliennes », c'est-à-dire dans le style de Praxitèle, car il appréciait la sensualité et la douceur qui s'en dégageaient.

La personnalité de Praxitèle est sans doute complexe, et la recherche sur son œuvre reste d'actualité. Le sculpteur est ainsi considéré depuis peu comme l'auteur d'une tête colossale d'Artémis retrouvée sur l'acropole d'Athènes, qui relève d'un style monumental complètement différent image 8.

Hélène Bordier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/torse-feminin-du-type-de-laphrodite-de-cnide

Publié le 22/09/2022

Ressources

Un texte sur l’Aphrodite de Cnide et les Aphrodites nues de Praxitèle sur le site Praxitèle. Un maître de la sculpture antique réalisé dans le cadre de l’exposition Praxitèle présentée au musée du Louvre (23 mars – 18 juin 2007)

mini-site.louvre.fr/praxitele/html/1.4.3.1_fr.html

Un texte sur l’Hermès d’Olympie sur le site Praxitèle. Un maître de la sculpture antique réalisé dans le cadre de l’exposition Praxitèle présentée au musée du Louvre (23 mars – 18 juin 2007)

mini-site.louvre.fr/praxitele/html/1.4.7.4_fr.html

Un texte sur la personnalité du sculpteur Praxitèle sur le site Praxitèle. Un maître de la sculpture antique réalisé dans le cadre de l’exposition Praxitèle présentée au musée du Louvre (23 mars – 18 juin 2007)

mini-site.louvre.fr/praxitele/html/1.7.2_fr.html

Glossaire

Chryséléphantine : Adjectif tiré du grec qui qualifie une sculpture faite d’or et d’ivoire.

Pline l’Ancien : Écrivain romain du Ier siècle apr. J.-C., auteur d’une Histoire naturelle.

Pondération des corps : Le mot pondération vient du latin « pondus », « poids ». Le terme désigne la façon dont l’artiste construit la répartition du poids dans l’équilibre des corps.

Ouranos : Dieu du Ciel chez les Grecs, vénéré sous le nom d’Uranus chez les Romains.

Période classique : Période englobant les Ve et IVe siècles av. J.-C., qui voit naître en Grèce des innovations décisives dans les arts. En sculpture, de grands artistes comme Polyclète, Praxitèle ou Lysippe travaillent sur la représentation du corps en mouvement dans l’espace. Leurs œuvres seront des modèles suivis durant la période hellénistique et dans l’art romain.