La Descente de croix

La Descente de croix

Auteur

Dimensions

Provenance

Lieu de création : France, Île-de-France, Paris

Technique

Sculpture, Polychromie

Matériaux

Ivoire d'éléphant

Datation

1270-1280

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Comment l’artiste a-t-il réussi à faire passer tant d’émotion dans ces personnages alors que l’œuvre nous est parvenue incomplète ?

Ces figures en ivoire aujourd’hui séparées les unes des autres appartenaient à une Descente de croix, un épisode de la mort du Christ. Elles étaient autrefois placées à différents niveaux dans un décor d’architecture image principale.

Les personnages de la Descente de croix

Plus rare que la Crucifixion, la Descente de croix a été représentée dès l’époque carolingienne en bas-relief ou en peinture, et du XIIe au XIIIe siècle plus particulièrement en bois peint, grandeur nature image 1, ou sur des plaquettes d’ivoire. Traditionnellement au centre, le Christ mort est porté par Joseph d’Arimathie, riche notable juif converti image b. À leurs pieds, Nicodème, un des premiers disciples de Jésus, tenait un marteau ou des tenailles, remplacés plus tard par une banderole image c. À gauche, empreinte de tristesse, Marie soutient la main droite de son fils image d. À droite, saint Jean, tout en retenue, essuie une larme de son manteau image e. La Descente de croix du Louvre est encadrée par deux femmes représentant symboliquement l’Église et la Synagogue image f image g La première tenait une croix et un calice. La seconde, aux yeux bandés, portait une lance brisée et les Tables de la Loi renversées. Leurs accessoires ont disparu ainsi que la croix du Christ.

Paris, centre du travail de l’ivoire

Du milieu du XIIIe à la fin du XIVe siècle, Paris est un des grands centres du travail de l’ivoire d’éléphant. Cette matière précieuse est utilisée pour faire des statuettes et de petits bas-reliefs image 2, mais aussi des chapelets, des coffrets, des manches de couteau, des peignes et des boutons. Le travail des statuettes devait se faire, sauf exception comme le groupe plus volumineux de Joseph d’Arimathie et du Christ, dans un seul bloc d’ivoire, rendant délicate l’exécution des détails. Les cheveux et les vêtements ainsi que la ceinture de la Synagogue image g sont traduits avec un grand raffinement. L’intensité des émotions est exprimée avec sensibilité et une grande maîtrise image e détail image g détail.

Peu de couleurs et d’or étaient utilisés, pour laisser l’ivoire visible. La figure de l’Église image f a été repeinte après le XVe siècle, celles de saint Jean image e et de la Synagogue image g ont toutes deux une polychromie originale très usée. Mais sur les autres personnages, les rehauts rouges des lèvres et bleus des yeux et des revers des vêtements se laissent deviner. Sourcils, cheveux et motifs géométriques composant les décors des bordures des vêtements sont dorés image b détail.

La redécouverte d’un maître gothique

En 1896, un collectionneur parisien vend au Louvre la Vierge, Joseph d’Arimathie portant le Christ ainsi que l’Église. Nicodème rentre par don en 1947, mais, arrivé transformé en prophète tenant un phylactère, il n’est identifié qu’en 1986. Enfin, en 2011, saint Jean et la Synagogue réapparaissent au sein d’une collection privée et, grâce au mécénat, viennent compléter l’ensemble en 2013. La taille et les décors des bordures des vêtements rapprochent les statuettes. L’étude stylistique confirme l’œuvre d’un seul artiste, ayant probablement travaillé aussi bien la pierre que le bois ou l’ivoire. Fronts larges, nez forts, rides d’expression sur les visages, mais aussi silhouettes parfois plus élancées et jeux des plis en cornet conduisent vers un imagier parisien marqué par la sculpture de la cathédrale de Reims image 3, travaillant vers 1270-1280, et que l’on nomme le Maître de la Descente de croix.

Une œuvre de dévotion précieuse

Les statuettes, aux revers soigneusement sculptés image a revers, étaient placées sur les emmarchements d'une petite structure d'architecture ouverte, réalisée en bois doré ou en orfèvrerie. Des documents évoquent la présence de ces sculptures au XIXe siècle en Italie et en Savoie, sans qu’on puisse connaître leur provenance ou leur mystérieux commanditaire.

Cet ensemble constitue un rare exemple complet de ces « images » en ivoire image 4, mentionnées dans les anciens inventaires. On peut imaginer qu’elles ont été commandées par un prince, une cathédrale ou une abbaye de renom.

L'œuvre en scène - D’heureuses retrouvailles : La Descente de croix d’ivoire gothique, une conférence du Musée du Louvre

Nathalie Gathelier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/la-descente-de-croix

Publié le 15/02/2024

Ressources

La notice de l’œuvre sur le site du Musée du Louvre

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010113253

"Nicodème travesti. La «Descente de Croix» d'ivoire du Louvre", un article de Danielle Gaborit-Chopin, Revue de l'Art, 1988

https://www.persee.fr/doc/rvart_0035-1326_1988_num_81_1_347727

Glossaire

Art gothique : Style qui se développe à partir du milieu du XIIe siècle jusqu’au début du XVIe siècle dans l’Occident chrétien.

Ivoire : Matière blanche et dure provenant des dents ou des défenses d’animaux (cachalot, mammouth, éléphant…).

Phylactère : Bande de parchemin, enroulée aux extrémités. Dans le judaïsme y est inscrit un passage des Écritures. Dans l’art chrétien, à partir du Moyen Âge, le phylactère est tenu par des anges ou des saints personnages afin d’afficher leur parole.