L'Arringatore

L'Arringatore

Auteur

Dimensions

H. 179 cm

Provenance

Italie, Ombrie, lac Trasimène

Technique

Sculpture

Matériaux

Bronze

Datation

Peu après 88 av. J-C

Lieu de conservation

Italie, Florence, musée archéologique national

Pourquoi représenter un Étrusque à la mode romaine ?

Cette statue d'homme grandeur nature (1,79 mètre) image principale a été trouvée en 1566 près du lac Trasimène, au nord-est de l'Étrurie, dans l'actuelle Ombrie. Elle a rejoint aussitôt les collections du duc de Toscane, Côme Ier de Médicis, qui se passionnait pour les Étrusques, prestigieux ancêtres des Florentins. C'est l'une des rares statues étrusques en bronze conservées, avec la spectaculaire Chimère d'Arezzo, autre fleuron de la collection ducale. En effet, la plupart des grands bronzes étrusques, mais aussi grecs et romains, ont été fondus à la fin de l'Antiquité pour récupérer le précieux métal.

La technique de la fonte du bronze

La statue a été réalisée avec la technique de la fonte creuse à la cire perdue, utilisée en Grèce à partir du milieu du VIe siècle av. J-C. Elle a été fondue en sept parties qui ont été assemblées par la suite : la tête, la main droite, la main gauche, chacune des jambes, et le corps en deux parties. Il s'agit donc d'une fonte dite indirecte ou sur négatif.
Cette technique consiste d'abord à mouler le modèle réalisé en argile par le sculpteur, qui peut donc être conservé. À l'intérieur de ce moule en creux, fait de plusieurs parties, une couche très fine de cire est appliquée avant qu'il ne soit rempli par un noyau de sable et d'argile. Y sont ajoutés des canaux en cire pour l'arrivée du métal et des évents pour l'évacuation de l'air. L'ensemble est placé dans un moule et chauffé ; la cire s'écoule alors à l'extérieur – d'où le nom de la technique –, remplacée par le bronze liquide. Après le refroidissement, le moule est cassé, le noyau enlevé et la surface de la statue reprise à froid. Certains détails, les yeux par exemple, étaient dans une autre matière (pierre, ivoire, pâte de verre) et incrustés ; comme ici détail b, ils ont souvent disparu.

Une précieuse inscription en étrusque

L'homme représenté n'est pas anonyme : une inscription, incisée sur le modèle d'argile au bord de la toge détail c, donne son nom, Aule Meteli, celui de ses parents et précise que la statue a été consacrée en son honneur dans un sanctuaire. Aule Meteli était donc un Étrusque suffisamment important, un homme politique ou un magistrat, pour être honoré ainsi.
La langue étrusque se lit facilement, généralement de droite à gauche, car elle utilise un alphabet emprunté vers 700 av. J.-C. aux Grecs, voisins des Étrusques en Italie du Sud. Sa compréhension est plus problématique à cause de son isolement linguistique : elle fait peut-être partie d'un groupe de langues anciennes parlées dans le bassin méditerranéen avant qu'elles ne soient presque partout évincées par des langues indo-européennes comme le grec ou le latin. De plus, les nombreuses inscriptions retrouvées, votives ou funéraires, sont courtes, peu variées et comportent surtout des noms propres et des formules d'offrande. Peu de textes longs et de documents bilingues associant la langue étrusque à une langue connue nous sont parvenus.-

Un Étrusque vêtu de la toge, vêtement caractéristique du citoyen romain

Par-dessus une tunique à manches courtes, dont les plis sont visibles sur le côté droit de sa poitrine, Aule Meteli porte une toge, vêtement caractéristique du citoyen romain. Taillée en demi-cercle, elle est drapée sur l'épaule gauche, passe dans le dos et sous le bras droit avant d'être rejetée sur l'épaule et le bras gauche. Celui-ci est complètement dissimulé sous l'étoffe, alors que le bras droit est libre de ses mouvements. La toge impose ainsi un certain maintien qui manifeste les prérogatives et la dignité de celui qui possède la citoyenneté romaine. Comme tout vêtement, elle évolue avec la mode : étroite et arrivant à mi-mollet, comme celle d'Aule Meteli, au début du Ier siècle av. J.-C., elle devient ensuite beaucoup plus large et longue au début de l'Empire. La toge se porte toujours avec des chaussures en cuir fermées et montantes dont les lanières entrecroisées sont nouées sur le bas de la jambe détail d.
Ce vêtement indique donc qu'Aule Meteli, s'il est bien étrusque, est aussi un citoyen romain. La bordure de sa toge, là où se trouve l'inscription détail c, caractérise la toge dite prétexte, en laine écrue, portée par les sénateurs et les principaux magistrats. Aule Meteli est donc également un personnage de haut rang. La couleur pourpre de la bordure était sans doute rendue par la polychromie de la statue. De même, une bande verticale en cuivre rouge est visible sur la tunique détail e : ce décor est réservé à celle des sénateurs.
Il porte aussi, à l'annulaire de la main gauche, l'anneau des sénateurs et des chevaliers détail f, les plus riches des citoyens. Ce bijou, généralement en or, comportait un décor gravé qui pouvait servir de sceau.

Un portrait entre art étrusque et art romain

Le visage d'Aule Meteli est traité de façon réaliste, avec précision et sobriété, ce qui caractérise aussi de nombreux portraits romains réalisés à la même époque image 1. Les rides sont assez profondément creusées, les lèvres fines ; les cheveux, très courts, font ressortir la forme ovale de son visage détail b. L'expression, sérieuse, correspond parfaitement à l'allure solennelle du personnage, même si la signification de son geste n'est pas exactement connue ; il a longtemps été interprété comme celui d'un orateur qui harangue la foule, arringatore en italien, d'où le nom donné à la sculpture. Le portrait s'est développé dans l'art étrusque à partir du IIIe siècle av. J.-C. image 2, permettant aux notables d'affirmer leur image à l'époque où Rome conquiert peu à peu leurs cités et s'impose comme la principale puissance en Italie. Après la perte de leur indépendance, les Étrusques et les autres peuples de l'Italie obtiennent de haute lutte le droit de citoyenneté romaine en 88 av. J.-C. La statue d'Aule Meteli témoigne de cette romanisation qui fera bientôt disparaître la langue étrusque au profit du latin.

Françoise Besson

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/larringatore

Publié le 22/09/2022

Ressources

Couleurs originellesdes bronzes grecs etromains

http://www.mediachimie.org/sites/default/files/chimie_art_115.pdf

Un article de Jean-Paul Thuillier sur la langue et l’écriture étrusques

http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/lalphabet_et_la_langue_etrusques.asp

Glossaire

Toge prétexte : Toge portée par les enfants de la noblesse romaine jusqu’à leur majorité (vers 17 ans pour les garçons, jusqu’au mariage pour les filles). À l’instar de la toge des magistrats, elle se distingue par une bande de pourpre.

Bronze : Alliage de cuivre et d’étain.

Étrurie : Territoire d’Italie centrale correspondant globalement  à la Toscane.

Étrusques : Les Étrusques vivaient en Italie centrale et dans la plaine du Pô entre le VIIIe et le Ier siècle av. J.-C. Ils sont à l’origine de la première et de la plus importante civilisation de la péninsule italique.

Ivoire : Matière blanche et dure provenant des dents ou des défenses d’animaux (cachalot, mammouth, éléphant…).

Médicis : Famille florentine de banquiers collectionneurs et protecteurs des arts. Ses membres s’emparent progressivement du pouvoir à Florence au XVe siècle. Deux grands papes de la Renaissance en sont issus : Léon X (1475-1521) et Clément VII (1478-1534). Anoblie au XVIe siècle, la famille Médicis s’allie deux fois à la France en lui donnant deux reines et régentes : Catherine (1519-1589), épouse d’Henri II, et Marie (1575-1642), épouse d’Henri IV.

Sanctuaire : Lieu ou édifice consacré à un culte. Le terme peut correspondre à différentes réalités selon les religions. Dans le monde grec antique, c’est un espace délimité, parfois très vaste, dédié à une divinité et comprenant l’autel pour les sacrifices, le temple et les offrandes. Dans le christianisme, il désigne plus particulièrement la partie de l’église située autour du maître-autel.

Statue : Sculpture en trois dimensions réalisée dans différents types de matériaux (pierre, bois, métal, terre).

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